Ce vendredi 18 décembre 2015, le fameux centre commercial PlaYce, situé au sud d’Abidjan dans la zone de Marcory, a enfin ouvert ses portes. J’insiste sur le « fameux » parce que ce centre commercial est annoncé depuis bientôt un an et demi et a donné lieu à pas mal de rumeurs ou fantasmes, mais j’y reviendrai plus tard.
Source: J-L Billon (Twitter).
Accompagnée de deux journalistes de mes rédactions respectives, je me suis retrouvée à l’entrée du lieu de l’inauguration, et l’omniprésence des forces de sécurité confirmait d’entrée de jeu que la présence du chef de l’état était confirmée. Toutes les photos qui vont suivre ont été prises par moi avec mon téléphone.
Un chef d’état qui se déplace pour l’ouverture d’un centre commercial, ça peut paraître disproportionné mais le fait est que PlaYce n’est pas qu’un simple espace commercial, il s’agit non seulement d’un énième symbole de développement économique (voulu et promu comme tel par le gouvernement), mais aussi le résultat d’un investissement à hauteur de plus de 300 milliards de FCFA. Pour plus de détails, quelques chiffres-clés:
– Surface de 20,000 m² dont 3200 m² pour l’hypermarché Carrefour
- 16,000 heures de formation dispensées aux équipes depuis avril 2015
- 48% du personnel est féminin
- 15 mois de travaux ont été nécessaires pour la construction
- 20 caisses au sein de l’hypermarché Carrefour
- 55 marques présentes
- 170 contrats de distribution signés avec des petits producteurs et fournisseurs locaux dans l’alimentaire et le textile
- 510 places de parking
- 70% de l’équipe a le niveau du bac et 30% a niveau bac+5
- 420 places assises et 4 restaurants
- 60% de l’équipe était sans emploi avant l’embauche ou primo-demandeurs
- 550 employés au 15 décembre 2015
- 58% du staff a moins de 29 ans
Le cadre est posé. Tout à l’heure, je parlais de rumeurs et autres informations qui ont pu circuler avant l’ouverture… Il y en a notamment une qui a été très persistante et même moi je n’y ai vu que du feu: l’appelation « Centre commercial Carrefour« . La vérité est que Carrefour ouvrant son 1er hypermarché en Afrique subsaharienne, cela a forcément volé la vedette aux autres enseignes pendant tout le temps de communication qui a précédé l’ouverture… Je rajoute d’ailleurs que ça a surtout volé la vedette au Groupe CFAO, qui est l’initiateur principal de cet immense projet.
Qui est CFAO ? Dans le texte, c’est « Compagnie Française d’Afrique de l’Ouest » et dans le concret, c’est probablement le groupe de distribution numéro 1 en Afrique subsaharienne et ce, « depuis 160 ans« , nous rappelle-t-on. Détenu à 97% par la société Toyota Tsusho Corporation (dont la direction a fait le déplacement à Abidjan depuis le Japon) et présent dans plus de 34 pays africains, ce groupe quasi tentaculaire est aussi bien dans la grande distribution que l’automobile ou la franchise de grandes enseignes occidentales. En 2013, CFAO crée « CFAO Retail » avec pour principale mission la création et gestion de centres commerciaux et galeries marchandes en Afrique de l’Ouest et Centrale. Perçevant la montée en puissance d’une classe moyenne africaine, le groupe ambitionne de se positionner sur des « malls » adaptés aussi bien au niveau des prix que de l’offre de produits et services. Pour ce qui est de « PlaYce », son lancement à Abidjan aujourd’hui est en principe le premier de plusieurs autres prévus en Côte d’Ivoire (5 autres doivent ouvrir dans le pays d’ici 2020) et aussi dans la sous-région. Autre information et pas des moindres: pour le déploiement des centres commerciaux PlaYce, une joint-venture est née avec CFAO Retail à 55% et le groupe Carrefour à 45%. Autant dire que le pari est plutôt ambitieux bien que justifié et justifiable quand on regarde les projections chiffrées sur le développement de la classe moyenne en Afrique d’ici 30 ans. Revenons-en à la cérémonie.
Un programme nous a été remis et je dois dire que je suis impressionnée par la rigueur avec laquelle il a été respecté.
Les personnes annoncées sont venues, le Président de la République est arrivé à l’heure voire même un peu en avance (SEIGNEUR JESUS !) et l’on ne s’est pas perdu dans des allocutions longues et dépourvues d’intérêt comme c’est souvent le cas lors de cérémonies officielles de cette envergure. Ceci dit, j’ai apprécié quelques petits moments pendant ces prises de paroles. Tout d’abord, le fait que Jean-Louis Billon, ministre du commerce, ait insisté sur le Made in Côte d’Ivoire soit disponible dans le centre et aussi son hommage aux pionniers de la grande distribution en Côte d’Ivoire qui ont su « être là dans les moments difficiles ». Cela était une allusion à peine voilée aux entreprises (notamment libanaises) qui avaient misé sur la Côte d’Ivoire bien avant qu’elle ne (re)devienne à la mode, et de manière plus précise, il s’agissait aussi d’un clin d’oeil au groupe HAYAT qui gère CAP SUD (le plus grand centre commercial d’Abidjan jusqu’ici et situé quasiment en face de PlaYce). Le fait est que l’arrivée de PlaYce et Carrefour vient bousculer un peu l’ordre établi et créer une concurrence dans l’offre pour le consommateur. Ce n’est pas un hasard si Cap Sud a accueilli tour à tour Kiabi, MAC Cosmetics, Go Sport et la FNAC juste quelques semaines/mois avant l’ouverture de son principal rival de l’autre côté du boulevard VGE.
Après les allocutions, on a procédé à la traditionnelle coupure de ruban, suivie d’une visite guidée du Président Ouattara du centre commercial, accompagné de quelques uns de ses ministres et du DG de PlaYce. Et là je dois dire qu’on a rapidement vu que les équipes de vente des différents magasins avaient été bien entraînés et pour cause… A chaque passage du président devant une boutique, on avait droit à des cris de guerre, des applaudissements, des grands sourires voire même des dégustations offertes. A ce sujet d’ailleurs, big up à l’équipe de Burger King qui a proposé des frites au chef de l’état et à son premier ministre Daniel Kablan Duncan, qui n’ont pas dit non. C’était assez décalé de voir des gens occupant ces fonctions en train de manger des frites dans des sachets Burger King (je suppose que ça m’aurait moins surprise si ça venait.. d’Obama par exemple).
Après la fin de la visite guidée et quelques mots adressé aux médias présents, le « PR ADO » comme on le désigne, s’est assis dans la terrasse au centre pour boire un verre avec l’équipe de direction… et c’est suite à son départ (et surtout à celui de son escorte) que l’on a ENFIN pu circuler librement et éventuellement, prendre des photos. Venons en aux faits, justement.
Sur le plan du design intérieur, on a affaire à un centre commercial assez classique pour ceux qui ont l’habitude des « malls à la française ». Côté Mode et Prêt-à-Porter, des marques ivoiriennes sont présentes comme une petite boutique Pathé’O, un des grands noms de la mode ivoirienne, ainsi que Yahimi, le bijoutier de luxe ivoiro-italien AssekeOro et le spécialiste du tissu pagne Ophan.
Niveau marques non-ivoiriennes, La Halle se paie le luxe d’avoir deux grands magasins respectivement pour les vêtements et les accessoires d’une part et pour la maroquinerie et les chaussures d’autre part. Bonne surprise aussi d’avoir découvert sur place un magasin Morgan et San Marina (rappelons que le rival Minelli est de l’autre côté du boulevard, à Cap Sud).
Je passe sur Kaporal, Cache Cache, Bonobo et Jules, qui sont des marques que je n’apprécie pas particulièrement.
Et la beauté dans tout ça ? HA ! Plus tôt dans la semaine, un ami m’informait via Whatsapp que du personnel de Black Up Paris venait d’atterrir à Abidjan pour l’ouverture imminente de leur magasin. J’ai d’abord trouvé cela étrange que BlackUp ouvre son 1er magasin en Côte d’Ivoire quasiment en catimini et sans que personne ne soit au courant ou presque… et puis je me suis souvenue que l’info avait déjà « filtré » il y a presqu’un an – et même que j’en avais parlé sur Twitter à l’époque lol – mais entre temps plus rien. Puis deux jours plus tard, une de mes collègues me dit que BlackUp n’ouvrira pas de magasins mais sera plutôt représenté dans une parfumerie. La marque l’est déjà dans la parfumerie ZINO, donc quel intérêt ? Bref, je n’avais qu’une hâte: mettre un fin mot à tout ça. Et puis voilà……
Black Up a donc bien une boutique à Abidjan, yes ! Maintenant, j’aurais aimé pouvoir visiter mais le rideau était baissé. Visiblement, tout n’était pas encore prêt pour le lancement du centre commercial mais au moins, on sait qu’ils sont là, j’attendrai leur ouverture pour racheter un contouring stick (que je trouve un peu trop gras au passage mais toujours utile à avoir).
Je crois que j’en avais déjà parlé, mais je trouve que faire sa trousse de maquillage à Abidjan est plus compliqué que ça ne devrait l’être. L’offre en multimarques distribuant des cosmétiques et make up ici est encore lente à palier la demande. Et le fait est que je crois dur comme fer que Sephora aurait toute sa place dans cette ville, même si ce n’est pas via un magasin de la taille de leur flagship des Champs-Elysées. En attendant donc que Sephora n’arrive, on fera (notamment) avec… Beauty Success.
A la fois parfumerie et institut de beauté, cette enseigne est moins connue que Nocibé-Douglas/Marionnaud/Sephora, mais elle fait partie des distributeurs de cosmétiques qui occupent plutôt bien le terrain en France, et notamment dans les zones urbaines un peu plus reculées et souvent délaissées par les leaders du secteur cités précédemment.
Chez Beauty Success Abidjan donc, on trouve beaucoup de parfums et (malheureusement selon moi) une offre assez réduite en maquillage et surtout en fond de teint.. je n’ai pas trouvé l’offre de teintes très variée pour le moment, mais je vais clairement y retourner pour m’attarder sur les rouges à lèvres.
Sinon de manière globale, j’ai trouvé intéressant que le secteur le plus représenté au niveau des marques présentes dans ce centre soit celui de l’habillement..devant la restauration et les services, entre autres. Un détail qui doit certainement faire sens d’un point de vue commercial et donner des idées à des enseignes comme Pimkie ou Jennyfer (qui sont aussi soupçonnées de vouloir ouvrir à Abidjan bientôt d’après quelques bruits de couloirs).
Alors bien sûr, toutes ces ouvertures de boutiques de marques étrangères créent de l’emploi sur place et participent à positionner Abidjan comme un carrefour commercial dans la région, mais cela suscite aussi des questions… notamment sur le développement de la compétition venant d’acteurs locaux. 4 magasins de marques ivoiriennes sur 55, c’est déjà ça mais l’idéal aurait été que les choses soient un peu plus équilibrées. Or, combien d’enseignes locales peuvent assurer mensuellement la rentabilité minimale que l’on est en devoir d’atteindre lorsque l’on occupe une boutique dans un tel centre commercial ? Quid de la production, de la notoriété, de la rotation des collections…. ? Voilà le revers de l’arrivée de ces enseignes étrangères: elles démontrent plus que jamais les lacunes de nos marques africaines qui pour certaines, ne sont des marques que de nom et non dans leur fonctionnement. Et je ne suis pas sûre qu’accuser les enseignes françaises de concurrence déloyale serve encore longtemps d’excuse. Quand est-ce que l’on crée des consortiums de marques Lifestyle en Afrique francophone ? Pourquoi aucun poids lourd du secteur privé ne s’y est attaqué ? Autant de questions qui reste en suspend…. ou pas.