RETOUR SUR " UNE SOIRÉE, DEUX SPECTACLES "
PELAT et CLOCKWORK
Théâtre Jean-Claude Carrière - Domaine d'O à Montpellier
Jeudi 17 décembre - 20 h
PELAT - Joan Català (Catalogne)
Cirque et fêtes catalanes
" De son enfance dans une famille de ferronniers, Joan Català se souvient de la lenteur du temps, du silence des vignes, du travail physique où l'homme dialogue avec son outil. Dans un époustouflant corps-à-corps avec un long tronc de pin, il redessine, seul, cette société disparue où la parole n'avait aucune importance et où la solidarité scellait la vie des hommes. "
La relation d'un homme avec un mât de bois. Joan Català ne montre rien d'autre dans Pelat, qui en catalan signifie littéralement " fauché ". Joan est le " Pelat ", pelé comme son tronc de pin, misérable comme le " pelé, le galeux... " de La Fontaine.
Il marche, son tronc en équilibre sur une épaule ! Pendu à une des extrémités un seau de vendangeur, en zinc, oscille et suit le mouvement. Il tourne, le tronc passe juste au-dessus de nos têtes, le seau balance... et Joan continue, à l'aveugle. Il avance, il recule. Le public, pour la plupart assis à terre dans le théâtre, en partie " déshabillé " de ses gradins, entre en communion avec son ambulation erratique. Le " pelat " marmonne, il hennit, il bêle, il souffle. C'est un animal, c'est un être hybride, porteur des forces de la Terre. Et puis le tronc devient passerelle, tendue entre porteur et public. Il appelle, claquements de langue, gestes furtifs, l'un et puis l'autre et encore un autre. Ils seront quatre, en tout, à le rejoindre. Eux aussi vont participer à la marche du tronc. Le tronc, pendant que les cinq " danseurs " s'essaient à des jeux de corde et d'enroulement de la " faixa " noire (large et longue ceinture d'étoffe), continue sa vie. Il va, de main en main, faire le tour de la ronde des assis. Circumambulation, rituels communautaires et initiatiques, le courant passe... au travers d'un tronc de bois. On hisse le poteau, les " aides " sont mis à contribution, aux quatre coins de la piste improvisée. Avec leur soutien, appuyé par des appels modulés et jetés à pleine voix, il suscite et obtient l'adhésion de tous. Le tronc-poteau se stabilise, se fige au centre et, acrobate inspiré, Joan " devient " l'enxaneta ", l'enfant hissé au sommet des castells, les pyramides humaines catalanes ".
Ses appels " Yééééoooo ", modulés et sonores, sont repris. Un enfant, à mes côtés, y fait écho et répète, à la suite de Joan, un " At ", impératif et claquant, marquant sa satisfaction.
L'alchimie fait son œuvre, son " grand œuvre ", et transmute une foule passive en un groupe soudé autour de la performance d'un homme. Il ne s'arrêtera que lorsqu'il pourra, enfin, grimper au sommet du mat et se dresser, un instant, sur la petite plateforme circulaire dont il l'a coiffé.
Ce n'est plus un spectacle, au sens littéral du terme, mais un cérémonial, impliquant et intégrant, de près ou de loin, les personnes présentes. Le terme de " primal " me vient à l'esprit. N'est-ce pas des siècles de traditions villageoises, issues des profondes forêts, des dures journées de labeur aux champs et aux vignes, avec lesquels nous venons de communier ?
Formé au cirque comme à la danse, au théâtre et aux arts plastiques, Joan Català met en jeu une poésie corporelle dérivée de l'observation du travail physique et artisanal. Pour finir par se hisser sur ce mât, l'artiste passe par un processus soigneusement ritualisé, inspiré des fêtes catalanes traditionnelles autour du mât de cocagne. Il entraîne le spectateur dans un vrai engagement et un joli moment de partage.
" Un mélange poésie et tradition, cirque et travail collectif. "
Même si parler d'un catalan en espagnol peut paraître étonnant, voire provocateur, je vous livre, en terminant, ce petit commentaire, dans lequel on retrouvera la mention de " Ici et maintenant " (" aquí y ahora "), titre de l'un des précédents spectacles de la même saison. Coïncidence, convergence ou, tout simplement, même message ?
" En esta arriesgada propuesta artística todos son partícipes directa o indirectamente de un ritual compartido e irrepetible, todos forman parte de un momento en el que el "" guarda una conexión profunda con la tradición, el trabajo y el movimiento de muchos cuerpos distintos con un mismo objetivo ".
Biographie
Joan Català Carrasco
" Né à Barcelone en 1978, Joan Català étudie les arts plastiques. Entre 1999 et 2005, il suit les cours de différentes écoles de cirque en Espagne et à Moscou où il se spécialise dans le porté acrobatique. En parallèle, il poursuit une formation en danse contemporaine, théâtre gestuel et clown auprès de professeurs comme Mal Pelo, Michel Dellaire, Iñaki Azpillaga, Àngels Margarit, Thomas Hauert ou David Zambrano. il travaille depuis 2005 avec les compagnies Daraomai, Cirucs Klezmer, Fura del Baus et et la compagnie Mudances - Angels Margarit.
Son regard particulier sur les arts plastiques et le mouvement provoqué par le corps et/ou par les objets est la marque de son travail. il aborde l'espace scénique comme un espace de dialogue entre l'humain, l'objet et tout ce qui l'entoure où je jeu et le travail se mêlent aux outils, aux expériences et aux idées que chacun apporte.
En 2012 il a commencé à développer sa vision particulière des arts scéniques imaginés pour la rue et pour les paysages urbains avec son spectacle Pelat créé en 2013. "
Liens
Site personnel (en anglais, espagnol, catalan)
http://www.joancatala.pro/en/pelat-2/Domaine d'O
http://www.domaine-do-34.eu/Vidéos
CLOCKWORK - SISTERS (Suède) (en anglais, mécanisme d'horloge) Ils sont un peu larges d'épaules, alors, pour ne pas rogner sur leur part féminine, ils se sont dénommés Sisters: un espagnol petit, trapu et chauve (Pablo Rada Moniz), un danois long, blond et fin (Mikkel Hobitz Filtenborg) et un français entre les deux (Valia Beauvieux).Clockwork est né de quelques obsessions des Sisters sur le perfectionnement du timing entre les corps, leurs besoins de dépendance physiques et mentales les uns envers les autres dans le mouvement comme de véritables éléments mécaniques d'une horlogerie fine et minutieuse.
" Nous travaillons sur la création d'un univers où le corps humain peut être tout autre chose que juste un corps. C'est une danse complexe jouant avec les jambes, les bras, les torses et les têtes qui crée une métamorphose de trois individus en une seule entité. Le contact physique entre les corps et l'emploi d'illusions sont les outils que nous utilisons pour surprendre notre public et changer/bousculer leurs propres perceptions du corps humain. Sisters souhaite explorer comment trois individus peuvent devenir une seule en même entité quand les corps sont en mouvement. "
À la question :
" Comment trois personnes de cultures et d'horizons si différents peuvent-ils créer dans l'unité un langage corporel commun ? ",
Sophie Hulthéns (Circus Grant 2012) apporte sa réponse :
" Ils se concentrent sur le développement d'un langage du mouvement en rapport avec leur discipline et jouent avec leur individualité au sein d'un collectif en montrant avec brillance leur technique acrobatique avec une esthétique innovatrice et captivante. "
Bondir et virevolter d'un côté à l'autre d'un double mât chinois, tournoyer à trois dans une roue allemande, jouer de la guitare ou de la boite à rythme à six mains, fondre leurs corps pour se mouvoir en une unique créature à quatre ou six pattes, soumettre leurs têtes à une expérience de jonglage humain... À travers une partition ultra-acrobatique et d'une exceptionnelle précision, les Sisters se créent, dans un théâtre mis à nu, un espace de jeux qu'ils ne cesseront de métamorphoser. Obsédé par l'idée du timing parfait, le trio révèle avec Clockwork un langage commun fait de dépendances et de singularités individuelles, entre goût du risque et de l'absurde, besoin de l'autre et art du décalage.
Surpris, interpellé dans ses habitudes, le public prend peu à peu conscience de la virilité fortement musclée du spectacle au milieu de laquelle s'intercalent, élégance, raffinement et clins d'œil très féminins. La blonde et longue chevelure de Mikkel, dont peuvent être jalouses bien des modernes Ophélie, devient le jouet d'un Pablo, subitement aguicheur, pendant que Valia fait des effets de torse dénudé. Malicieusement déculotté par des comparses délurés, Mikkel, encore lui, joue de sa nudité avec des grâces de stripteaseuse débutante. Déroutant, parfait, mécaniquement irréprochable, ce n'est jamais agressif, c'est charmant et musclé, ce sont les Sisters !
Biographie
Pablo Rada Moniz
" Originaire des îles Canaries (Espagne), élevé dans une famille nombreuse, il est le cinquième enfant d'une fratrie de sept. Il aime la plage, le carnaval et s'habiller en femme depuis sa plus tendre enfance.
Il décide enfin de quitter sont île pour devenir artiste de cirque. Il se forme pendant cinq années : les deux premières à Barcelone puis à Stockholm, à l'université de danse et de cirque (DOCH).
Ses spécialités sont le mât Chinois, la roue allemande et l'acrobatie. "
Mikkel Hobitz Filtenborg
Il est grand, blond et originaire du Danemark. Depuis toujours il est attiré par le monde du spectacle et le réalisme de l'énergie qui circule entre le public et les interprètes. " J'aime le cirque, son format est adapté à l'élargissement de ma créativité, il est un vaste espace pour expérimenter et intégrer mes intérêts et mes idées artistiques. "
Ses disciplines de cirque sont le mât chinois et le fil souple.
Valia Beauvieux
Originaire de Bretagne, il fait ses premiers pas sur scène en tant que danseur, avant de commencer à pratiquer différentes formes d'expressions corporelles. il plonge dans l'univers des arts du cirque en France puis en Suède, développant la danse et l'acrobatie au travers de disciplines comme le mât chinois et la roue Cyr.
Inspiré par des cultures diverses il construit son travail d'interprète en mêlant différentes pratiques comme la capoeira, le hip hop, la musique. il profite des richesses de l'ouverture du cirque aux autres disciplines pour étendre ses possibilités.
Dimitris Papaioannou - œil extérieur
Chorégraphe, metteur en scène et artiste visuel d'origine grecque. Il a attiré l'attention des médias internationaux avec sa mise en scène très remarquée lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques d'Athènes en 2004. Présent à plusieurs moments de la création, il a un rôle majeur dans la conception de Clockwork.