Le système de la mode est-il en train de devenir fou ? La grande valse des créateurs dans les maisons (dont le plus spectaculaire est le récent départ d'Albert Elbaz de chez Lanvin) n'est que l'un des symptômes d'une machine qui tournent à vide gagnée par un gonflement ultime des égos. De nombreuses voix commencent à dénoncer les terribles mâchoires qui broient les talents et ne se préoccupent que d'images, de peoples et de points de vue extatiques d'une presse aux ordres des lanceurs de paillettes et des faiseurs de rois éphémères tailladés et jetés comme des oripeaux.
Mais le système ne s'arrête pas à ce mercato épidermique, il concerne aussi une industrie qui ne tient plus sa boussole face à des enjeux éthiques et écologiques qu'elle ne sait pas ou ne veut pas gérer. L'industrie de la mode est en passe de devenir l'industrie de la honte...
Mais pour alpaguer des clients à la fois désabusés et coureurs d'étiquettes à prix barrées, les marques et les distributeurs multiplient les collections (je devrais dire les sous collections) vite faites dans des pays " exotiques " et mal vendues à bas coûts qui encombrent les linéaires sans forcément convaincre. Conséquence, les sites internet de déstockage, les ventes privées, les ventes de presse et autres gesticulations promotionnelles prospèrent pour écouler ces montagnes de fringues et d'accessoires démodées avant même d'être à la mode. Ajoutons le dirigisme d'un Etat prédateur qui se mêle de tout et impose des dates de soldes mortifères. En 2016, les fonctionnaires gouvernementaux, si peu au fait des réalités économiques, ont décrété les dates des soldes du 6 janvier au 16 février pour les ventes d'hiver, du 22 juin au 2 août pour les ventes d'été, six semaines à chaque période.
Trop tôt et trop long ! s'insurgent les professionnels.
" Les dates actuelles ne permettent pas à un produit de développer pleinement son potentiel commercial. Les soldes interrompent précocement cet élan, et ce, d'autant que 28 % des femmes n'achètent plus qu'exclusivement des vêtements à prix barrés. Presque un produit sur deux est acheté à prix barré ", dénonce la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin. " Nous savons que les soldes arrivent au moment où la consommation saisonnière se met à frémir : une régulation à contretemps, qui prive les commerçants de marge ", ajoute Daniel Wertel son Président dans un communiqué. Les soldes devraient être les invendus de la saison, ils sont les ventes principales des clients qui ne comprennent plus rien aux prix, des prix sans valeur pour des produits dévalorisés. Et la météo " désaisonnalisée " ajoute au désastre : les hivers cumulent les épisodes doux ou polaires, les étés, les épisodes frais ou alanguis dans la moiteur de la canicule...
Il est temps de repenser un système de la mode essoufflé (comme notre société dans son ensemble d'ailleurs) et de renouer avec une prospérité basée sur le vrai sens du commerce : le bon produit au bon prix au bon endroit au bon moment.
Photo : D.R.