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Klaus Mann : Le Volcan

Publié le 17 décembre 2015 par Despasperdus

« N'avez-vous donc aucun idéal politique ? »

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Après le père, il y a quelques années, et la sœur l'année dernière, j'ai emprunté Le Volcan de Klaus Mann. Publié en 1939, ce roman narre le quotidien des réfugiés juifs allemands et des opposants au régime nazi.

« Si... autrefois ! (L'ancien policier haussa les épaules.) Mais on finit par le perdre dans ce monde de merde... Comment continuer à croire à la démocratie quand les démocraties elles-mêmes se comportent avec nous comme elles le font ? On nous traite comme des chiens galeux. Comment voulez-vous alors conserver un idéal ? »

Le roman débute en 1933, par une lettre à un ami enfui à l'étranger dont le contenu rappelle Inconnu à cette adresse, un grand roman épistolaire. Par ce procédé, l'auteur plante le décor de son époque et montre combien ses concitoyens, tout au moins une partie, sans adhérer totalement au nazisme, ont d'une part relativisé l'antisémitisme et les atteintes aux libertés individuelles, et d'autre part trouvé quelques excuses et mérites au régime hitlérien...

« Oui, en Europe, il existe une jeunesse qui souffre de l'esprit comme d'une maladie et une autre qui hait et combat tout ce qui a un rapport avec lui. Les jeunes chez nous se laissent prendre par le vertige du fascisme, soit parce qu'ils refusent de réfléchir, soit parce que leur pensée est figée - ou excessive. Les intellectuels et les sots, voilà le matériau humain où le fascisme recrute son armée. »

Tout au long du récit, le lecteur suit des êtres en butte à un monde hostile, plus particulièrement ces pays européens qui s'ils n'ont pas encore été envahis par l'Allemagne nazie, étaient déjà contaminés par la peste brune. Des "démocraties" faibles et lâches diplomatiquement, mais dures et impitoyables à l'égard des réfugiés. Klaus Mann brosse le tableau d'une émigration d'abord allemande, étrangère à son propre pays, puis à son propre continent.

« Pourquoi, dit-il, sommes-nous opposés au fascisme ? Parce qu'il dégrade l'homme. Usant de procédés infâmes, une horde de barbares voudrait ravir ce que plusieurs millénaires d'histoire nous ont permis d'acquérir. »

Les personnages tentent de survivre, quelques uns renoncent, certains s'engagent dans la résistance intérieure, d'autres tentent l'aventure aux Etats-Unis, d'autres encore rejoignent l'Espagne pour sauver la République. Tous sont des êtres marqués au fer par le nazisme. Même les plus chanceux d'entre eux portent une blessure qui les empêche d'être pleinement heureux, probablement parce qu'elle leur rappelle qu'il y a trop de malheurs dans ce monde...

« Durer, c'est vaincre. (...) Celui qui dure, celui qui montre de la patience, c'est celui-là qui vaincra. Tout va si lentement ! Nous exagérons les événements actuels. Nous les voyons sous un jour apocalyptique. Nous leur donnons des noms grandioses : nous parlons de tournant historique ou de fin du monde. Mais notre époque doit-elle tout changer, tout bouleverser, seulement parce qu'elle est la nôtre ? Le processus continue, lentement, inexorablement. Il y a des arrêts, des retours en arrière; c'est ce à quoi nous assistons actuellement. Ne nous laissons ni abuser, ni décourager. »

Difficile en lisant ce roman de faire totalement abstraction du temps présent... de cette riche Europe autoproclamée démocratique qui oublie ses principes humanistes dès qu'il s'agit d'accueillir l'étranger.

Le Volcan est un grand roman.


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