Anomalies des températures de surface des océans constatées le 2 décembre 2015. Le phénomène Le Niño est bien visible sur la ceinture équatoriale de l’océan Pacifique — Crédit : Nasa, JPL, PODAAC, NOAA
L’épisode El Niño 2015-2016 s’annonce plus puissant que celui de 1997. Des équipes de chercheurs qui ont travaillé sur ses impacts en cours à travers le monde viennent de présenter leurs travaux à l’AGU. On y apprend notamment comment ce phénomène naturel récurrent peut modifier, selon son intensité, le régime des pluies dans certaines parties du monde, la distribution de l’ozone troposphérique et favoriser l’expansion des incendies de forêt dans plusieurs régions tropicales.
À l’occasion des rencontres d’automne de l’AGU (American Geophysical Union) qui se déroulent cette semaine à San Francisco, des chercheurs ont présenté leurs travaux sur les impacts du phénomène récurrent El Niño sur la machine climatique mondiale. Grâce à sa flotte de satellites d’observation terrestre, la Nasa offre aux scientifiques un précieux regard sur les relations de cet « enfant terrible » avec l’atmosphère. Un système interconnecté et complexe qui n’a pas que des conséquences régionales. Nous en ressentons tous plus ou moins les effets.
El Niño est un évènement naturel qui se manifeste avec une intensité variable tous les deux ou trois ans lorsque les eaux équatoriales de l’océan Pacifique se réchauffent. Comme il atteint son apogée autour du solstice de décembre, au moment de Noël, les pécheurs péruviens l’ont baptisé ainsi en référence à Jésus. Les agences météorologiques qui suivent sa croissance depuis plusieurs mois s’accordent pour qualifier l’épisode de cette année de puissant, en mesure de surpasser celui, mémorable, de 1977-1998.
Modification de la circulation de l’air
Un El Niño plus fort c’est potentiellement une bonne nouvelle pour l’ouest des États-Unis, en particulier l’état le plus peuplé, la Californie, qui souffre comme on le sait d’une grande sécheresse depuis 4 ans. Celle-ci pourrait en effet marquer une pause car la surface réchauffée de la ceinture équatoriale du Pacifique modifie la circulation de l’air et de l’humidité. Comme l’a indiqué l’équipe de Duane Waliser (JPL) qui a travaillé sur des données historiques, les courants de vents (wind river) dans l’atmosphère qui transportent habituellement la vapeur d’eau des régions tropicales vers les latitudes moyennes ne sont pas plus nombreux lorsque se manifeste un Niño. Une dizaine par an. Mais plus l’épisode est puissant, plus les précipitations sont intenses. Il y a une véritable relation de cause à effet.
Ces changements dans les mouvements de masses d’air et des vents ont aussi un impact significatif sur la distribution de l’ozone troposphérique comme l’a montré l’équipe de Mark Olsen, spécialiste de l’atmosphère à la Morgan State University de Baltimore et au GSFC de la Nasa. Les cartes que les chercheurs ont réalisé à partir des données satellites superposées aux modèles numériques montrent que le taux d’ozone est surtout sensible aux épisodes successifs El Niño et El Niña dans les régions tropicales. L’ampleur s’avère moindre aux latitudes moyennes mais non négligeables. C’est un facteur impliqué dans 20 à 25 % de la variabilité du taux au centre des États-Unis, précise le chercheur.
L’ozone dit troposphérique qui s’accumule dans les basses couches de l’atmosphère, ou « mauvais ozone », est un gaz à effet de serre dangereux pour notre santé et celle de nombreuses espèces vivantes. Il est en partie d’origine naturelle et aussi d’origine anthropique, son abondance étant notamment liée au transport et à nos activités industrielles (on a tous entendu parler de pics d’ozone). Étudier les influences des Niños sur les concentrations de l’ozone peut aider à évaluer notre participation dans sa répartition globale.
Territoires touchés par des incendies de forêt en août 2015. La couleur orange indique les régions où ils sont plus nombreux — Crédit : Nasa