TOP 10 des artistes du « game art »
En détournant les codes et les règles des jeux vidéo, ces dix créateurs abordent des problématiques existentielles, politiques ou simplement esthétiques. Au-delà de leur apparente simplicité, ces dix jeux expérimentent une forme d’interactivité artistique.
Le Collectionneur Moderne remercie chaudement Philippe Bettinelli pour son aide. Les artistes sélectionnés dans notre palmarès ont tous été présentés lors de la conférence « Play it again, Serious Sam ! » Jeu vidéo et art contemporain qu’il a animé le 3 décembre 2015 à l’École du Louvre.
INTRODUCTION AU GAME ART
Douglas Edric Stanley, Invaders!
Le jeu vidéo est de plus en plus admis comme une discipline artistique à part entière.
Mais comme dans le 7ème art, il faut y distinguer la production « industrielle » (appelée « AAA » dans le cas des jeux vidéos), des créations indépendantes et de celles qui s’inscrivent dans une démarche explicitement artistique.
Les installations de jeux vidéo dans des galeries d’art sont trop rares pour suffir à définir le Game Art. Nombreux sont les créateurs qui proposent même de télécharger leurs œuvres pour quelques euros, voire gratuitement.
Le Game Art se distingue plutôt par ces objectifs : au-delà du simple divertissement, il vise à faire primer un message. Mais les démarches sont encore variées et les game artists se plaisent particulièrement à explorer les frontières du médium.
1. SOCIAL
MARTIN LE CHEVALLIER, Vigilance 1.0, 2001
Né en 1968, le français Martin Le Chevallier mène un travail protéiforme sur des problématiques politiques et sociales, telles que l’emploi ou la sécurité.
Dans Vigilance 1.0, le joueur n’a qu’une action possible : dénoncer. On distingue mal les malfaiteurs des honnêtes citoyens et l’on apprend qu’après coup si on a décelé une infraction ou diffamé un innocent.
2. POLITIQUE
DOUGLAS EDRIC STANLEY, Invaders!, 2008
Artiste d’origine américaine, Douglas Edric Stanley dirige l’Atelier Hypermédia à l’École Supérieure d’Art d’Aix-en-Provence et mène divers autres travaux sur les algorithmes et le code comme matériaux plastiques.
Invaders! combine le principe du jeu Space Invaders (une inexorable invasion alien) avec une image des Twin Towers. De virulents détracteurs aux États Unis ont malheureusement mal compris cette œuvre, qui dénonce l’inadaptation de la stratégie militaire américaine au lendemain du 11 septembre.
3. MINIMALISTE
CORY ARCANGEL, Super Mario Clouds, 2002
Né en 1978, Cory Arcangel est un artiste et musicien new-yorkais qui s’est fait connaître en manipulant des cartouches du jeu Super Mario Bros sur console NES (Nintendo).
Sa version minimaliste, Super Mario Clouds, est une modernisation extrême de la peinture de paysage ! Débarrassé de tous les éléments graphiques, il ne reste que le fond bleu sur lequel défilent des nuages. Dans Totally Fucked (2003), le petit plombier est coincé sur une plateforme sans issue et Super Mario Movie (2005) est une réinterprétation musicale et psychédélique de 15 minutes qu’il a créé avec Paper Rad.
L’artiste met son code à disposition du public, ainsi qu’un manuel d’instructions détaillées pour reproduire ses expériences.
4. EXISTENTIALISTE
JASON ROHRER, Passage, 2007
Jason Rohrer est un programmeur, écrivain et musicien américain né en 1977. Il s’impose des règles de vie drastiques selon un modèle de « simplicité volontaire » et publie ses œuvres dans le domaine public ou sous la licence publique générale. Le jeu Passage est en téléchargement libre sur son site.
Souvent courts, ses jeux réduisent au minimum les mécanismes de jouabilité. Dans une fenêtre de 16 x 100 pixels, Passage simplifie en 5 minutes le cheminement d’une vie, avec pour seul enjeu de se diriger vers la mort.
5. MILITANT
JOSEPH DE LAPPE, Dead in Iraq, 2006
Joseph DeLappe est professeur en art digital à l’Université du Nevada. Ses travaux l’amènent à réaliser régulièrement des performances artistiques sur des jeux en réseau.
Entre 2006 et 2011, sous l’avatar dead-in-iraq, il a réalisé une performance mémorielle sur un jeu de recrutement de l’armée américaine : America’s Army.
Commençant chaque partie par jeter son arme, il aura posté au total les noms, âge et date de décès de 4484 soldats américains victimes de la guerre en Iraq.
6. INTROSPECTIF
ALAN KWAN, Bad Trip, 2011
Alan Kwan est un artiste américain né en 1990 qui travaille à la confluence des médias, sur le thème récurent de la réalité virtuelle.
Dans Bad Trip, il propose au public de s’introduire dans son cerveau. Filmées avec une mini-caméra embarquée sur ses lunettes et renouvelées quotidiennement, des images de sa vie courante s’insèrent dans un monde onirique inspiré de ses rêves.
7. PSYCHOLOGIQUE
EDDO STERN, Waco Resurrection, 2003
Né à Tel Aviv et basé en Californie, Eddo Stern nous propose avec Waco Resurrection d’incarner l’épouvantable gourou David Goresh au moment de l’assaut sanglant qu’a mené le FBI contre sa secte en 1993 et qui a coûté la vie à 82 illuminés. Une voix off nous oblige à partager l’introspection du psychopathe, obsédé par des visions apocalyptiques et des théories du complot.
8. PRÉCURSEUR
ORHAN KIPCACK, Ars Doom, 1995
En 1995, Orhan Kipcak et Reini Urban présentent ArsDoom au festival Ars Electronica de Linz. C’est l’une des premières expériences artistiques de détournement de jeu vidéo.
À partir de l’univers de Doom II – « first person shooter » de 1994 – l’artiste propose une expérience virtuelle d’iconoclasme. Le joueur peut détruire à l’envi des tableaux numériques créés pour l’occasion, ou tuer tout bonnement leur auteur.
9. SUBVERSIF
HUNTER JONAKIN, Jeff Koons must die !!!, 2011
Avec Jeff Koons must die, le plasticien de Minneapolis Hunter Jonakin remet au goût du jour le principe de ArsDoom avec un simple postulat : « Que feriez-vous si vous étiez enfermés toute une nuit dans une rétrospective de Jeff Koons avec un lance-roquettes ? »
L’œuvre est exposée sous forme d’arcade – 25 cents la partie – mais le jeu peut également être téléchargé sur le site de l’artiste : un exutoire iconoclaste proposé à 5 dollars.
10. EXTRÊME
/////////FUR////, PainStation, 2002
Le projet //////////fur//// est défini par ses fondateurs, les allemands Tilman Reiff et Volker Morawe, comme une « Art Entertainment Interface. »
Avec PainStation, leur installation revisite le fameux jeu Pong avec un certain sadisme. Le joueur doit placer sa main gauche sur un PEU (Pain Execution Unit) qui l’électrocute, le chauffe ou le fouette en fonction de ses actions, le forçant à adapter instinctivement son jeu.