Les soirées électorales de deuxième tour sont autant surprenantes que les résultats qui tombent. Face au savoir-faire des instituts de sondage qui annoncent dès vingt heures les tendances qui ont chatouillé le corps électoral, les leaders ont appris à se tenir. Sur les plateaux, les politiques se comportent comme les people qu’ils ont remplacés pour un soir. Entre agitation contenue et décontraction aiguisée, ils font assaut de bons mots et de formules choc. Le chic est dans le choc. La provoc ne fait pas l’éthique. Faut y aller. Pas de faux semblant. Gagnants, perdants ont les mêmes mots en partage.
Dans ce brouhaha, seuls les bons mots survivent. L’arme la plus efficace est l’oxymore. En avoir toujours un sous la main est la promesse d’une petite postérité médiatique. On peut aussi en produire le lendemain, mais l’effet sera moins flamboyant. L’oxymore se mémorise. Il se répète. Il est bon pour la survie post-électorale. Tous ne s’y prêtent pas avec le même bonheur. Pour Jean-Christophe Cambadélis, grand timonier du Parti socialiste, le score de sa formation constitue un « succès sans joie », Ce n’est pas mal vu, même si sa complexion affichait plus l’absence de joie que de trace de succès. Face à l’échec de Marine Le Pen dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, David Rachline, sénateur-maire FN de Fréjus, décrit « une défaite glorieuse ». L’oxymore est ici complet. L’oxymore oxygène la gueule de bois. Il cache les grimaces et les aigreurs d’estomac. Le sénateur oublie simplement de mentionner que la tradition historique parle de défaite glorieuse à propos de la bataille de Waterloo. Steven Englund, biographe de Napoléon, rappelle que c’est l’Empereur qui, le premier, a qualifié la journée qui causa sa perte de « bataille glorieuse ». En matière d’oxymore, c’est l’original qui prévaut. Les ersatz font pâle figure.
A mi-chemin de l’oxymore piaffant et de la petite phrase détonante, le sénateur Masseret, résistant de la première heure aux oukases de la rue de Solférino, a décroché la timbale. Finalement la gauche sera représentée au conseil régional de Lorraine grâce à son attitude rebelle. On a donc raison de se rebeller ! Il voyait dans son petit succès populaire comme une « victoire de la démocratie». Puis, lyrique comme un révolté sur une barricade de 1848, voilà qu’il lâche que son équipe est comme de la « lumière dans l'obscurité du Parti socialiste ». Il a simplement assimilé le clair-obscur idéologique.
Question petite phrase, le point de vue du nouvel homme fort de la région PACA a illuminé le débat. Elu par des voix de gauche contre la jeune pousse du clan Le Pen, c’est sur francetvinfo.fr qu’il a livré l’aphorisme qui le fait cousiner, tout à fait provisoirement, avec Pierre Dac. « Plus on va à droite, plus on fait monter le FN », a-t-il-déclaré. C’est l’évènement du jour d’après, la découverte du principe des urnes communicantes.