Magazine Bien-être
Lettre de Lilian à une amie : "Ce vide est fondamental : c'est la trame sur laquelle tous les états mystiques se tissent ; c'est lui qui, à mon avis, caractérise la vie mystique, la séparant de la vie pieuse et religieuse : pas de vide pour l'homme pieux mais des états d'exaltation amoureuse, joyeuse, tandis que ce terrible vide marque le mystique. Śūnya, la vacuité sans cesse accrue est l'essentiel du Bouddhisme, c'est ce qui en fait une mystique, le reste étant plutôt moralité. Même vacuité chez saint Jean de la Croix auquel vous faites allusion dans votre lettre. Patañjali dans ses Yoga sūtra définit le samādhi comme "le vide de toute fluctuation mentale". Le yoga aussi est donc bâti sur ce vide. Les musulmans ont fanā'*, pas de baqā'* sans fanā', le vide. Le désert aride des Noces spirituelles. Seules les Upanishad parlent de plénitude et je vais essayer de vous montrer que c'est la même chose (espérant que bientôt vous le ressentirez). C'est comme si quelque chose de très positif creusait en vous des cavernes pour mieux les remplir par la suite [...]. Ce vide de toute opération sensible et mentale est indispensable car vous pénétrez dans un domaine très nouveau, semblable à une nuit, où rien de familier ne peut vous guider. C'est pourquoi le guide est nécessaire. Au début on a l'impression d'un vide mais en réalité c'est une plénitude, seulement l'esprit n'est pas assez affiné pour prendre conscience de cette vie trop subtile. Saint Jean de la Croix parle des Israélites qui, habitués aux nourritures grossières, restaient insensibles au goût délicieux de la manne céleste. Peu à peu, ce vide se transforme en douceur, en félicité, et revêt toutes les formes de la vie mystique."