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Scène 5 (cont.5)

Publié le 16 décembre 2015 par Nicolas Esse @nicolasesse

Madame H. : Autant d’occasions de mettre en valeur votre nouvelle collection d’escarpins.
Patrizia : Je les revendrai.
Madame H. : Vous ne les revendrez pas.
Patrizia : Et pourquoi pas ?
Madame H. : Parce que vous les avez touchés. Parce qu’ils vous ont touchée.
Patrizia. : Alléluia. L’escarpin a changé ma vie. Rendons grâce à l’escarpin. Vous êtes complètement folle. La vérité, c’est que je m’ennuie. Je m’ennuie à mourir dans vos 300 mètres carrés.
Madame H. : Votre futur appartement sera certainement bien plus spacieux.
Patrizia : Mon futur appartement sera équipé d’une porte que je pourrai ouvrir ou fermer. Ici, il n’y a même pas de porte que je pourrais casser. On manque d’air. On manque de lumière. Tout est tamisé. Interdiction de sortir. Interdiction de se montrer. De parler avec le personnel. Juste vous. Vous, vous et encore vous. Du matin au soir jusqu’à la nausée. Votre face lisse et votre sourire forcé. Jamais de sucre dans le café. Toujours de l’eau. Beaucoup d’eau. Toujours plate, c’est bon pour le transit. Et beaucoup de sommeil, c’est bon pour le teint. Heureusement, entre deux siestes et deux verres d’eau, il y a le coiffeur, l’esthéticienne ou trois nouvelles robes à essayer. Et les escarpins, c’est vrai. Les escarpins que je ne porterai jamais.
Madame H. : Pour un mariage, peut-être.
Patrizia : Vous n’allez pas le croire, mais on sort aussi dans mon patelin. On se prépare. On essaie de se faire belles. Et surtout, on s’amuse, vous comprenez ? Chez moi, on a inventé cent mille manières de préparer les pâtes pour avoir cent mille raisons de s’amuser. On verse le vin dans des verres à eau. Du vin rouge et noir qu’on renverse parfois sur nos robes quand on rit trop. C’est pour ça que vous ne buvez que de l’eau, pour protéger vos robes à dix mille euros.
Madame H. : Pour moi, sortir est un devoir…
Patrizia : Pour vous la vie est un devoir.
Madame H. : … Et j’ai appris à passer une soirée entière à tremper mes lèvres dans la même coupe de Champagne.
Patrizia : Je n’aime pas le Champagne.
Madame H. : Comment pouvez-vous le savoir ?
Patrizia : Je suis encore plus forte que vous. Je peux passer une soirée entière sans jamais tremper mes lèvres dans la coupe. Je n’aime pas le goût, c’est tout.
Madame H. : Vous allez changer d’avis ce soir.
Patrizia : Quoi ? Vous voulez me faire boire ?
Madame H. : Il y a une cave dans cet établissement.
Patrizia : Une vraie cave avec de l’alcool dedans ? Mais c’est très dangereux ça. Je vous rappelle que nos sangs sont liés. Si je bois, je pourrais bien vous saouler.
Madame H. : Aucun risque : une seule coupe suffira.

Noir



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