Un patient sur 2 équipés de sonde urinaire à long terme rencontre des problèmes d’incrustation, de blocage et/ou d’infections des voies urinaires. Le patient éprouve alors un traumatisme et une douleur sévères qui vont parfois nécessiter une hospitalisation. Toujours en cause, ce fameux biofilm, constitué d’agglomérats de bactéries. Cette équipe de l’Université de Southampton en identifiant le processus de formation d’un biofilm » cristallin « , apporte de nouvelles données qui vont permettre de développer de nouveaux matériaux anti-biofilm, des traitements pour gérer et finalement empêcher le blocage et améliorer ainsi la qualité de vie de nombreux patients.
Qu’est-ce qu’un biofilm cristallin ? Certains micro-organismes présents dans les biofilms formés sur les sondes urinaires produisent des uréases ou enzymes qui catalysent la réaction de transformation de l’urée en dioxyde de carbone et ammoniaque. Parmi ces uréases, celles de l’entérobactérie Proteus mirabilis, qui fait aussi l’objet de cette étude et est fréquemment rencontrée dans les infections urinaires communautaires ou nosocomiales. L’uréase de Proteus mirabilis » alcalinise » les urines, permet à l’infection de devenir chronique, et conduit à la formation d’hydroxyde d’ammonium. La libération d’ammoniaque sous forme libre dans l’urine entraîne une augmentation du pH au niveau de la surface du biofilm, d’où la formation de cristaux qui vont venir obstruer la sonde. Mais ce n‘est pas tout : Les cristaux s’incrustent dans le biofilm : le biofilm est dit » cristallin « . Les conséquences du biofilm cristallin (
voir visuel ci-contre
) sont le développement de troubles urinaires : dysurie, strangurie, hématurie, distension vésicale, oligo-anurie… ainsi que des infections urinaires qui peuvent être sévères.Les 4 étapes de la formation du biofilm cristallin : Ici, les chercheurs britanniques utilisent une technique d’imagerie appelée microscopie à contraste interférentiel (EDIC) pour étudier le développement du biofilm cristallin sur une période de 24 jours sur deux matériaux de sonde, le silicone et le latex hydrogel. Ils identifient 4 étapes bien précises dans la formation du biofilm cristallin :
1. La formation d’une couche de fondation initiale ou pellicule, formée par des cellules de P mirabilis colonisées, qui se forme en moins d’1 heure,
2. Une feuille microcristalline recouvre cette première pellicule
3. 24 heures plus tard, une grande quantité de cristaux émergent de cette feuille,
4. 4 jours plus tard, la surface entière des 2 matériaux de sondes testés est recouverte d’un biofilm cristallin, au sein duquel les bactéries P. mirabilis semblent totalement noyées.
Les 2 matériaux ne semblent avoir aucun effet sur la progression de la formation du biofilm au fil du temps.
De nouvelles connaissances sur le rôle de Proteus mirabilis sont également révélée par cette recherche : Ces résultats remettent totalement en question les théories traditionnelles sur le développement du biofilm cristallin : En effet, les précédentes études antérieures suggèrent que la colonisation bactérienne et la couche de biofilm se forment autour de la zone de l’œil de la sonde, tandis que ces travaux montrent une formation sur l’ensemble de la surface du cathéter. » Notre compréhension des composantes et des étapes de la formation des biofilms et incrustations cristallines a considérablement progressé et nous allons pouvoir travailler au développement de matériaux anti-biofilm et de traitements permettant d’éviter ces blocages et d’améliorer la qualité de vie de nombreux patients porteurs de sondes urinaires à demeure « , conclut le Dr Sandra Wilks, Senior Research Fellow et auteur principal de l’étude.
Source: PLoS ONE October 30, 2015 DOI: 10.1371/journal.pone.0141711 Novel Insights into the Proteus mirabilis Crystalline Biofilm Using Real-Time Imaging (Visuel@University of Southampton)