Ludovic Degroote vient de publier zambèze aux éditions Unes. Poezibao lui consacre cette journée, avec des extraits du livre dans l’"anthologie permanente", une note de lecture d’Anne Malaprade et un entretien autour de ce livre. Une autre note de lecture, signée Antoine Emaz, sera publiée très prochainement.
paysage boomerang
bleu zambèze
masses noires des hippos
étages de verts
et puis ces rouges qui me cherchent
depuis que je les ai vus
haillons d’argent
sur fond mousse lumière
tourbillons de vie vivante
où s’abandonne
ce qu’il reste de soi
hors de toute mort apparente
je ne sais
si je suis partout
où je me trouve
le long du fleuve
je descends
ce que je peux
du monde loin de moi désuni
comme incapable
de sortir
de vivre
trop de vie
*
de là à penser qu’il n’y a rien pour moi dans ces chutes, ce serait une jouissance égocentrique, à quoi je ramènerais cet endroit, qui en serait honteuse ; disons qu’elles m’ont épaté, saisi, étonné, frappé, mais pas ému, exprimant par là qu’elles m’ont laissé sur place au lieu de m’emmener.
*
je consacre à ces chutes plus de temps que je ne l’aurais cru : elles ont plus de présence dans la mémoire qui me vient qu’au moment où j’y étais, c’est maintenant qu’elles m’emmènent ; la lenteur d’un caractère se mesure aussi à ce qu’il lui faut de temps pour atteindre ce qu’il voit qu’il ne voit que lorsqu’il en est loin ; peut s’en dégager une sorte de frustration qui met en rapport la qualité de la rêverie, laquelle vous fait mentalement revenir à tel ou tel lieu, et la perte que cette rêverie impose à la réalité qu’elle reconstitue, enrichie et décevante à la fois.
*
aux chutes victoria
je ne reconnais rien
que des cartes postales
c’est très joli
paysages variés
ciel d’incendie
grand zambèze
bleu jusqu’à la chute
nuages de vapeur
zèbres dans le parc
hôtel à colons
vervets à cacahuètes
nous buvons une windhock
au milieu des clichés
on nourrit des rêves et des intentions
et puis la vie vous ramène
dans la vie
j’écris par le travers
on ne peut prévoir la chute du zambèze
c’est ce qui le sépare de nous
un fleuve coule dans sa pente
nous avons nos voies naturelles
Ludovic Degroote, zambèze, éditions Unes, 2015, PP 25-26, 37, 39 et 43-44.
Ludovic Degroote dans Poezibao :
bio-bibliographie, prix des découvreurs de poésie, extrait 1, extrait 2, wimereux (parution), Un petit viol (par Ariane Dreyfus), ext. 3, Le Début des pieds (par A. Emaz), Eugène Leroy, auportrait noir (F. Trocmé), ext. 4, feuilleton, la Digue (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12,13, 14 avec pdf), "La Digue", par Antoine Emaz, "Le début des pieds" (par Georges Guillain), ext. 5, "Monologue" par Florence Trocmé, "Monologue" par Matthieu Gosztola, "Monologue" par Jean-Pascal Dubost, "Monologue" par Antoine Emaz, "josé tomás", par Antoine Emaz, "josé tomás", par Isabelle Maunet-Salliet, [note de lecture] Ludovic Degroote et Jacques Lèbre, par Antoine Emaz, [note de lecture] Ludovic Degroote, "Ligne 4", par Antoine Emaz