L'impact d'une étiquette de vin sur les jeunes générations

Par Mauss

Sans que cela soit le résultat d'une étude statistique menée par tel ou tel organisme lié au secteur du vin, on peut avoir l'impression légitime que les jeunes générations, intéressées par le monde du vin, sont moins sensibles au prestige de l'étiquette que nous l'étions nous, les "vieux".

A tort ou à raison, il semble que d'autres facteurs, plus ou moins existant dans les années 70 à 90, prennent une importance majeure, tels que la qualité du cru, son mode de communication, son côté convivial-amical, son prix prennent le pas sur l'histoire.

Certes, il y aura toujours une petite frange statistique (très probablement moins de 10 %) des individus buvant régulièrement du vin qui cherchera les graals de référence, là où on accepte de payer de cher à très cher (eu égard au plaisir offert) l'étiquette du vin.

Il est cependant légitime de bien rappeler qu'à un moment ou un autre, le prix d'un bien, dans nos économies occidentales, restera toujours une valeur répondant à un croisement d'une offre et d'une demande.

Chacun comprend qu'un producteur peut, pour de multiples raisons non économiques, vouloir un prix haut pour son vin, quand bien même il n'arrivera pas à le vendre… jusqu'au moment où il aura épuisé sa trésorerie et devra s'adapter au marché s'il veut survivre.

Chacun comprend également qu'un producteur peut se contenter d'un prix sous-évalué, par rapport au second marché, pour des raisons qui lui sont propres. Bel exemple avec Coche-Dury qui pourrait pratiquement multiplier par 6 ou 8 le prix de son Corton-Charlemagne sans que cela ne lui enlève un seul client.

Les voix (et voies) du seigneur sont impénétrables.

Maintenant, que ce mode de fixation d'un prix soit pondéré par des facteurs sortant d'une pure logique mathématique, nous sommes tous d'accord d'évoquer des viscosités diverses. Il n'empêche : quelque part, le prix consacre la valeur d'un vin, que cette valeur soit ± liée à la qualité intrinsèque du vin ou à son prestige historique, marketing ou de classement. Ou à un cumul savant des deux, ce qui est généralement le cas pour le haut de gamme.

Revenons au titre du billet :

Este ce que les jeunes générations, à capacité de budget égal, acceptent aussi facilement que les vieilles générations à payer une sorte de sur-prix pour un vin qui bénéficie d'une aura de communication supérieure aux autres ?

Je ne sais trop pourquoi, mais, toujours à part cette frange d'amateurs "à l'ancienne" de 10 %, on peut avoir l'impression que ces générations actuelles ne sont pas aussi obnubilées  par l'ardente nécessité d'acheter un Latour ou un Lafite que le furent et le sont encore probablement, les vieilles générations… ou les nouveaux "riches" asiatiques n'ayant pas eu la connaissance des prix que nous avons, nous, en mémoire. Pour pleurer un chouilla, il suffit de consulter les tarifs des classés dans les années 80 et 90.

:-(

S'il s'agit là d'un mouvement majeur auquel on doit associer le fait qu'il y a maintenant de multiples sources faciles  d'acquérir des vins d'ailleurs (vive l'Europe !), cela devrait faire réfléchir sérieusement des régions anciennement quasi monopolistiques, comme le bordelais, où certes il y a des qualités remarquables, mais laquelle, à tort ou à raison, donne l'impression de vivre sur un acquis historique, conforté par les classements, alors même qu'ailleurs on se bouge les fesses comme pas deux.

Lire à ce sujet le très bel échange entre Messieurs Bernard Magrez et Hervé Bizeul (qui avait oublié sa cravate, tss…) au restaurant Taillevent, cité sur le blog de Nicolas de Rouyn, ICI.

Autre sujet de réflexion que m'a communiqué ma voisine hier soir lors d'un dîner d'une Académie gastronomique chez Yannick Alleno : les vignerons proposant des vins "nature" ont une nette propension à mettre des étiquettes "rigolotes" avec citations ou sans, quelque chose qui plaît à une clientèle (bobo ?) aimant un tantinet se démarquer de l'officiel pour proposer à leurs convives une sorte de divergence et de second degré par rapport aux poncifs habituels.

Va savoir, Charles…

Une chose est sûre : la communication du vin telle que nous l'avons connue dans les dernières décennies du XXème siècle doit et va changer.

Le monde qui vient - comme nous l'a si bien expliqué  Olivier Duha à Villa d'Este  - appartient à ceux qui agissent vite par rapport à ceux qui sont lents, alors qu'avant il appartenait aux "gros" qui mangeaient les "petits". 

Il est plus que probable que jamais Monsieur Bizeul ne connaîtra ni le parcours économique, ni le succès financier de Monsieur Magrez eu égard aux contraintes de notre époque (et de son âge), mais en fait, il doit être clair également que ce n'est pas son but. Cette simple mais fondamentale différence doit nous faire réfléchir sur le futur de ce secteur économique qui nous passionne tant !

Désolé d'écrire ici plus de questions que de réponses, mais il y a des jours comme ça…

:-)