Luc Brunschwig et Cécil – Holmes, Livre IV, La Dame de Scutari

Par Yvantilleuil

Et bien, le moins que l’on puisse dire, c’est que la petite vieille qui orne la couverture aura mis du temps à arriver en librairie. Au rythme d’un tome tous les trois/quatre ans, les fans de cette saga doivent d’ailleurs s’armer de patience. Et oui, dans un monde du neuvième art où la vitesse prend de plus en plus le pas sur la qualité, il reste encore quelques irréductibles Gaulois qui prennent le temps de peaufiner chaque case jusque dans les moindres détails, certes au détriment du rythme de parution (et probablement de leur portefeuille), mais, mon Dieu, que l’Art en ressort grandi. Les planches que livre Cécil (Le Réseau bombyce) sont époustouflantes de réalisme et font preuve d’un souci du détail impressionnant. Les vignettes semblent issues d’un vieil album photo et plongent le lecteur dans une ambiance rétro qui colle parfaitement à l’Angleterre Victorienne d’antan. Les jeux d’ombres sont à nouveau splendides et son lavis monochrome accompagne avec brio les allers-retours effectués dans le temps (bleu-gris pour le présent, sépia pour le passé). Cet album est donc le fruit d’un travail d’orfèvre, que tout bédéphile se doit d’applaudir à deux mains… sans trop regarder sa montre.

L’autre avantage de ce rythme de parution assez lent est qu’à chaque tome, je dois relire tous les précédents et pour un type comme moi, qui a la mémoire en compote, c’est un véritable plaisir de redécouvrir chaque album, avant d’arriver à celui-ci, où Luc Brunschwig a visiblement choisi de mettre les femmes à l’honneur. Il y a tout d’abord Violet, la mère de Mycroft et Sherlock, qui joue un rôle central dans ce quatrième volet, de la naissance de Sherlock jusqu’au chevet de sa nourrice, en passant par sa participation à la guerre de Crimée. Il y a ensuite Miss Nightingale, la célèbre infirmière de Scutari, qui multiplie les révélations concernant le passé des Holmes. Mais il ne faudrait pas oublier Judy Brown, la jeune femme de l’East End condamnée pour un double infanticide, Miss Bannister, l’ancienne nourrice de Sherlock, et l’infirmière à la jambe de bois qui prend soin de Siger Holmes. Mais attention, Brunschwig (Lloyd Singer, Le sourire du clownUrban, Car l’enfer est ici, Les enfants de Jessica, La mémoire dans les poches, Bob Morane) ne délaisse pas pour autant les hommes de cette saga, car le docteur Dudley Parks est également omniprésent, tandis que Mycroft continue de jouer un rôle de plus en plus intriguant.

Le fait de développer la psychologie des proches de Holmes permet donc de mieux cerner la personnalité complexe du célèbre détective et d’en apprendre plus sur son passé. En creusant le mystère qui entoure le héros de Conan Doyle, Brunschwig rend non seulement hommage à son créateur, mais parvient également à faire revivre Holmes au détour de chaque case de cet œuvre qui se déroule pourtant après sa mort. Les différents récits se croisent avec brio et Brunschwig ne serait pas Brunschwig, s’il ne profitait pas de l’occasion pour aborder des thèmes sociaux. Il dresse non seulement un portrait particulièrement convaincant de l’Angleterre Victorienne et de ses femmes, mais profite également du procès de l’empoisonneuse de L’East End pour pointer du doigt l’industrie et les riches qui exploitent les pauvres.

Incontournable !

Retrouvez d’ailleurs cet album dans mon Top BD de l’année !

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