(anthologie permanente) Laurent Grisel

le charbon 
sous terre dans ses veines 
ni sur terre dans ses terrils 
ne te demande rien, il brûle : 
un peu d’air 
une galerie d’une mine délaissée 
une faille 
une crevasse 
et le charbon en masse s’oxyde 
au cœur du charbon la pyrite s’oxyde, chauffe 
chauffe le charbon 
la chaleur est confinée, elle n’est pas évacuée, les  
ventilateurs sont arrêtés depuis longtemps 
à 40 ou 100° le charbon prend feu 
la poussière de charbon, grains de charbon entourés  
d’air 
n’attend que ça 
le feu se propage, tant que l’air apporte l’oxygène 
suivant les couloirs d’aération, les galeries 
sur des kilomètres 
suivant la veine 
sur des kilomètres 
 
les délaissés sont tranquilles 
ils ont l’initiative, ils la prennent 
et quand les filons affleurent en surface – 
en Pologne, en Chine, en Indonésie – 
ils prennent le feu 
et l’emmènent en profondeur 
 
feu sans flamme, long et lent 
c’est dans le paysage, on n’y peut rien 
on n’y fait pas attention 
cela prend des dizaines d’années 
une vie d’homme par exemple 
 
plus longtemps encore, en Australie 
un filon depuis 6000 ans 
 
le charbon solide et remplacé par le gaz qui s’en va – 
vide : veines de vide dans la profondeur creusée 
le sol en surface s’affaisse 
de nouvelles fissures s’ouvrent, l’air afflue 
le feu continue 
 
rues effondrées, canalisations brisées 
Centralia, Pennsylvanie, fut évacuée 
le feu continue 
il peut durer un siècle 
par ses chemin aller vers d’autres  
villes, fermes, villages 
 
Ce qu’on voudrait oublier empoisonne l’atmosphère 
vapeurs de soufre, monoxyde de carbone qui étouffe 
vapeurs de mercure, d’arsenic 
toute cette belle chimie libérée 
 
ce contre quoi on ne peut rien 
agit 
on enverra, peut-être, des ouvriers – on les appelle  
pompiers – au casse-pipe 
 
 
 
Les déserts s’étendent, les forêts et les végétaux reculent 
ce qui réduit l’absorption de CO² 
ce qui augment le concentration de CO² dans  
l’atmosphère 
ce qui augmente l’effet de serre 
et sous l’effet de la chaleur augmentée les déserts 
   gagnent en étendue 
 
ça continue tout seul 
de soi 
   par soi 
   et pour soi 
 
Laurent Grisel, Climats, version numérique et édition papier, Publie.net, pp 58 à 61.  
 
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