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Haruki Murakami, Chroniques de l’oiseau à ressort (1996)

Par Ellettres @Ellettres

« Reprenant mes esprits, je remarquai un vrombissement léger et monotone dans l’air, comme des ailes d’insectes. Non, le son était trop artificiel, trop mécanique pour être produit par un insecte. La fréquence variait de façon subtile, vers le grave ou l’aigu, comme une radio réglée sur ondes courtes. Je retins mon souffle, tendis l’oreille, essayant de savoir d’où venait ce bruit. Il semblait venir d’un point dans les ténèbres et en même temps de l’intérieur de ma propre tête. La frontière entre ces deux mondes était vraiment difficile à déterminer dans cette profonde obscurité. » (p. 868).

Coucou !

Je suis là !

Oui, oui, je sais, ça fait longtemps que je n’ai point pointé mon nez par ici.

murakami
Mais j’ai une excuse, et de taille : je me farcissais les 950 pages de « mon » Murakami. Et c’est une lecture qui prend son temps, avec des embardées brusques et des pannes moteur.

Et puis, depuis mon dernier billet, l’ignoble a eu lieu en plein cœur de Paris et… je n’ai pas eu la force d’ajouter ma voix aux torrents de mots qui se sont déversés sur le net, comme des milliers de larmes pleurant les morts de la nation. Non pas que je n’ai pas communié, et vibré, à certains textes emplis de peine abyssale, de (stu)peur, de colère, d’espérance aussi, et de force. Mais quand notre réalité change si brusquement comme ça, et qu’elle ne sera jamais plus vraiment la même qu’avant (j’ai l’impression de parler comme Murakami), j’ai besoin d’un temps de recul et de silence.

Bref, revenons au sujet du jour : mon premier Murakami !

C’est l’histoire d’un homme de trente ans (quel bel âge n’est-ce pas) qui s’appelle Toru Okada, habite à Tokyo et est au chômage. Un beau matin, il commence à recevoir d’étranges coups de téléphone de femmes inconnues et des visites aussi, une voyante, un vétéran de la guerre de Mandchourie, sa jeune voisine, qui lui racontent leur vie. Et puis sa femme, Kumiko, disparaît. Et après quelques plongées dans les profondeurs de son inconscient (et du puits de ses voisins), il se décide à se mettre à sa recherche. Il y a aussi un personnage maléfique dans l’histoire, c’est le frère de sa femme. Ah oui, et un « oiseau à ressort » dont le symbolisme m’a un peu échappé, mais qui semble lié au passage du temps, aux rapprochements parfois insolites entre événements du passé et événements du présent.

Murakami, il faut accepter de rentrer et de se laisser guider dans les méandres de son univers. Les éléments de l’histoire, qui nous semblent disparates au début, se rejoignent ensuite pour former un ensemble cohérent, sinon très réaliste. Ainsi Toru va devoir apprendre de ses nouveaux amis des histoires qui vont parfois se révéler des clés de l’énigme de la disparition de Kumiko ou des moyens de découvrir la vérité, une vérité forcément fuyante sous le vernis de la réalité. Mais on est d’accord, certaines histoires restent complètement obscures. Il y a une bonne dose de tao là-dedans : une vérité à découvrir par l’immersion de soi dans un espace vide, le ying et le yang… Toru a un peu le caractère de l’eau qui dort : il semble passif jusqu’à ce qu’il se mette à agir, avec persévérance et parfois impulsivement.

Je ne dirais pas que j’ai été conquise, mais oui, ce roman m’a quand même bien pris par la main et embarquée dans son monde, un monde où un chat disparu, une jupe qui manque au pressing ou un chapeau en plastique rouge ont un sens propre qui dépasse leur simple apparence. Les Chroniques, c’est un peu le monde de Narnia de la vie de banlieue, un grossissement de la réalité qui la rend étrange et enchanteresse et peut basculer par moment dans une para-réalité un peu fantastique. Mais contrairement au monde féerique de C.S. Lewis, il y a des scènes assez crues, sur lesquelles malheureusement, je tombais systématiquement le soir au moment de m’endormir (un viol, et des scènes insoutenables de la guerre russo-japonaise en Mandchourie lors de la Seconde Guerre mondiale), et vous savez, j’ai l’imagination galopante et le cœur tendre (je ne supporte même plus les scènes où les animaux souffrent maintenant, ça a à voir avec ma lecture du moment). Une autre chose qui m’a chiffonnée, c’est de ne pas savoir si l’histoire de Toru a lieu dans les années 1980 ou 1990, or en plus d’avoir un cœur de guimauve, j’ai une certaine psychorigidité sur les dates (qui est la seule blogueuse à afficher les dates d’édition dans ses titres de billet, hein ? ;-) ).

Je suis contente d’avoir découvert cet auteur si connu, en commençant par une de ses œuvres moins connues. Je vais laisser reposer (au moins un an) et poursuivrai peut-être avec L’Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage. Malgré tout, il y a des choses qui, maintenant que je suis sortie de cette lecture depuis 3-4 jours me semblent de plus en plus « mystico-gazeuses » comme dirait mon cher et tendre, et sans grand intérêt (heu, le pouvoir « chamanique » qu’une riche femme d’affaires découvre en Toru, ça j’avoue, je n’ai pas trop compris).


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