Et si le Christ nous montrait le chemin pour nouer un contact authentique et des relations fécondes avec notre entourage. Suivons-le.
Jésus a toujours refusé d'être pris pour un gourou. Il n'a jamais cherché à diffuser de méthodes particulières. Il invite plutôt chacun à tracer son propre chemin, en cultivant une qualité d'être. Pourtant, quand il s'adresse à ses interlocuteurs, il s'adapte aux personnalités et aux situations, ce dont nous pouvons nous inspirer. Le protestant Thierry Lenoir, aumônier à la clinique La Lignière, en Suisse, recense ses différentes attitudes, dans un livre intitulé Jésus, maître de communication. Il nous présente quatre démarches initiées par le Christ afin de nouer un contact authentique et fécond avec notre entourage.
Susciter une écoute active
« Jésus aime que ses interlocuteurs se différencient de la foule. Il les encourage à s'exprimer à la première personne. Par exemple, lors de sa rencontre avec la femme adultère (Jean 7, 53 s.), il est écrit :
"Les docteurs de la loi viennent en foule, et repartent un à un", comme s'ils avaient retrouvé leur individualité après qu'il les a invités à se situer par rapport à cette femme. Le Christ cherche souvent à susciter une écoute active. Il vérifie que son interlocuteur a bien compris ce qui est dit et l'interroge sur ce qu'il en pense à titre personnel. Quand un docteur de la loi tente de le piéger, Jésus lui demande ce qui est écrit dans la loi, puis de partager sa propre lecture. De même, avec les disciples, il interroge :
"Qui dit-on que je suis ?", puis :
"Et vous qui dites-vous que je suis ?" Il traque tous les "on" que nous utilisons régulièrement pour éviter d'assumer nos prises de position. Jésus peut aussi avoir recours à ce que l'on appelle des "questions miroirs", en demandant pourquoi la personne pose cette question. C'est le cas avec le jeune homme riche qui l'interroge sur ce qu'il faut faire de bon (Matthieu 16, 19-30). "
Mais pourquoi m'interroges-tu sur ce qui est bon ? Pourquoi m'appelles-tu bon ?" Il l'invite ainsi à creuser encore sa question et détermine ce qui le motive vraiment. C'est ainsi que l'on peut devenir l'auteur de sa vie. »
Oser demander
« Pour obtenir une réponse, encore faut-il formuler une demande claire. Plusieurs paraboles dans les Évangiles rappellent ce principe simple, qui n'est pourtant pas si évident à mettre en oeuvre. Nous sommes souvent piégés dans nos relations avec nos proches, par exemple en couple, car nous aimerions bien que nos attentes soient entendues sans avoir à les formuler. Mais lorsque notre partenaire essaie de deviner ce que l'on désire, il a plutôt tendance à projeter ses propres envies. Jésus aime donc susciter des demandes claires.
"Que veux-tu que je fasse pour toi ?",demande-t-il à Barthimée, l'aveugle de Jéricho (Matthieu 20, 29-34). Parfois, la personne ne sait pas quoi répondre. Il arrive même que certains interlocuteurs en grande souffrance ne soient pas au clair sur leur désir de guérison. S'il n'y a plus la maladie, que leur reste-t-il pour recevoir de l'attention et la bienveillance dont ils ont besoin ?
Cette invitation à énoncer des demandes explicites se traduit aussi par une autre façon de comprendre la fameuse règle d'or, présente dans toutes les religions "ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qu'on vous fasse". La version de Jésus diffère des formulations habituelles, y compris de celles de l'Ancien Testament. Il propose :
"Tout ce que vous désirez que l'on vous fasse, faites-le aux autres" (Matthieu 7, 2). Cette démarche positive requiert d'avoir au préalable accueilli ses propres désirs. Nous répondrons d'autant mieux aux attentes de notre entourage que nous aurons effectué ce travail sur nous, en clarifiant ce qui a de la valeur à nos yeux. »
Formuler des refus
« Jésus ne répondait pas favorablement à toutes les sollicitations. Son ministère commence dans le désert par des "non" catégoriques. Il va régulièrement refuser d'être manipulé, notamment par ses proches. Souvent, nous n'osons pas agir ainsi, par peur de décevoir et de ne pas être aimé. Jésus prend ce risque y compris vis-à-vis des personnes proches. Par exemple, sa mère, ses frères et sœurs l'appellent à la sortie d'un rassemblement. Il répond :
"Qui est ma mère, qui sont mes frères, c'est vous tous qui faites la volonté de Dieu ?" Et il s'en explique :
"Ne croyez pas que je suis venu apporter la paix, mais le tranchant qui sépare le père, la mère, le fils, la fille"(Matthieu 12, 46-50). Il ne souhaite pas la guerre dans les familles (sa dernière pensée était pour sa mère), mais il rappelle qu'un individu doit pouvoir exister, pas seulement en se définissant comme "fils ou fille de". Pour cela, un "tranchant" doit passer pour que chacun sorte de la fusion qui mène à la confusion. Dans son Sermon sur la montagne, il lance
"que votre oui soit oui et votre non soit non, et ce qu'on y rajoute vient du diable." Si, réellement, vous voulez exprimer un refus, propose-t-il, accordez-vous la liberté de ne pas le justifier. Ce qu'on ajoute ne fait que compliquer la communication. Ainsi, nous sommes dans une vérité relationnelle : le jour où nous disons oui, celui-ci est lumineux. »
Sortir d'une logique violente
« Nos relations obéissent souvent à une logique de réciprocité. Je donne en fonction de ce que je reçois. Et si on s'adresse à moi avec des propos violents, je réponds avec une repartie aussi vigoureuse. Jésus prend alors une image : lorsqu'on vous frappe la joue droite, tendez l'autre joue, c'est-à-dire montrez un aspect de la réalité non perçue par votre interlocuteur. Il n'y a rien de plus surprenant pour une personne qui vous menace que de se retrouver devant une porte qui s'ouvre sur une perspective différente. Jésus poursuit avec une deuxième image.
"Si l'on veut vous intenter un procès et prendre votre tunique, laisse leur encore votre manteau" (Matthieu 5, 38-48).Autrement dit, n'entrez pas dans le jeu du bourreau qui se présente pour vous faire jouer le rôle de la victime. Vous garderez ainsi votre dignité, et ferez preuve de l'autorité de ceux qui choisissent leur propre existence. »
> A lire :
Jésus, maître de communication, de Thierry Lenoir, Cabédita.