Hare Krishna rue Dauphine
Contrairement à Londres, Paris a toujours été un peu hermétique à la cuisine indienne. Terrain réservé de l’Angleterre dominante pendant des décennies, les meilleurs restaurants indiens se trouvent toujours dans la capitale britannique. Dans cet esprit very british et colonie anglaise, l’Indra fut longtemps le représentant haut de gamme de l’Inde et de ses cuisines. Décor somptueux, serveurs parlant anglais, plats d’un classicisme chic, et dépaysement assuré. Dans les années 2000, il fut remplacé par le Yugaraj, dont le Gault-Millau de l’époque s’était entiché avec un peu trop d’enthousiasme. Du travail bien fait, un décor classique, et une cuisine sans reliefs particuliers. Mais, à part les petites échoppes/restaurants du Xème arrondissement, la cuisine indienne n’a jamais réussi à se multiplier dans d’autres tables. La France et Paris lui ont toujours préféré l’Asie, le Japon et la cuisine méditerranéenne.
Codée, traditionnelle, hiérarchisée, cuisine de castes et de femmes, en partie unifiée en dépit de l’immensité du pays, elle fut et est encore marquée par l’influence des religions, hindouisme et islam. Elle se caractérise bien sûr par les épices qui doivent donner du goût, colorer les aliments et avoir des propriétés thérapeutiques. Poivre, noix de muscade, macis, cannelle, clou de girofle, cumin, coriandre, fenouil, gingembre, menthe, ail, etc., ils sont venus ils sont tous là… Le curry, roi de la cuisine indienne, est un mélange traditionnellement à base d’épices écrasés et non de poudre comme on le trouve ailleurs. Son dauphin, le garam (chaleur, en hindi) masala a de multiple variantes comme le curry. On utilise beaucoup le citron, la mangue, le yaourt et le tamarin pour acidifier les plats. Yaourt encore, fromage, ghee (beurre clarifié) sont les principaux corps gras. Sans oublier les divers condiments dont les chutneys (fruits et légumes macérés) qui ont envahi la cuisine anglaise.
Les produits ? Le riz, base et accompagnement de tous plats, légumes frais et secs, les céréales en galettes (naans), en une variété quasiment infinie. Viandes (poulet et agneau principalement) et poissons au four (tandoori), desserts à base de lait, yaourt ou riz, entre autres. La cuisine indienne se construit à partir d’une grande variété de produits, de condiments, et d’épices subtilement dosés dans des combinaisons qui font la richesse et la diversité de cette cuisine qui varie de province à province et parfois de ville en ville.
… la force de frappe du Desi Road est Manoj Sharma, le chef …
En lieu et place de l’ancien Yugaraj, dans la rue Dauphine relookée, Stéphanie de Saint-Simon et son mari Arnaud, viennent d’ouvrir le Desi Road. Amateurs, amoureux, et spécialistes de l’Inde qu’ils fréquentent assidument, ils ont lancé le MG Road il y a quelques mois, sorte de remake parisien des cafés Irani de Bombay créés par des Persans (ne pas oublier que le célébrissime Taj Mahal fut construit par un architecte perse).
Hors le décor très réussi, assez dénudé et évitant les falbalas traditionnels aux lourdes chaises en bois, aux tables basses ornées de plaques de marbre, et d’objets chinés à travers le continent, la force de frappe du Desi Road est Manoj Sharma, le chef, ancien disciple du grand Vineet Bhatia du Cinnamon Club de Londres. Pointu certes, mais important car sa cuisine est en tous points remarquable.
Les Pani Puri se mangent d’un coup, comme un cromesquis, et ces petits soufflés creux farcis de pommes de terre, chutney au tamarin et sauce épicée aux herbes, sont de véritables délices. Ce jour-là, le Dal of the day était des lentilles subtiles et délicates.
Au tandoor, le poulet (Tandoori chicken tikka) est mariné aux épices rouges et au garam masala puis saisi au four, un plat magnifique de saveurs marquées mais équilibrées,
et de remarquables côtelettes d’agneau (tandoori lamb chop) marinées aux épices et coriandre puis saisies au four. Agneau encore avec un étonnant mais riche et savoureux gâteau d’agneau épicé, aux pommes de terre, yaourt au curry et cress (cresson). Enfin, le saumon (Tandoori salmon) est mariné à la crème et aneth, puis juste saisi au four, servi avec feuille de shizo et chutney de pois frais et mangue. Intéressant mais un peu sec (surcuisson ?).
Les Thalis sont une sélection de recettes du jour servies sur un grand plateau rond et vont de l’entrée au dessert. Exemple, le Thali Chicken est composé de plats végétariens dont un dal, une recette de riz, des currys dont un au poulet, une recette à base de yaourt, naan, et dessert. Un vrai repas, fin et délicat. (28 €)
Incontournable, indispensable, vaut à lui seul le déplacement, une tuerie comme dit le Figaro Madame, à se damner comme disent les jeunes filles en fleurs, le Riz au lait au safran est tout cela à la fois. Doux, parfaitement cuit, délicatement parfumé, il est un des meilleurs desserts de l’histoire de la cuisine indienne à Paris. Rien que ça !
Sinon, accueil détendu et friendly, service impeccable, bonne sélection de thés, de vins (vins au verre de 6 à 7,50 €) et une bière indienne pour faire comme là-bas. Que du bonheur, comme disent …
75006 Paris
Tél : 01 43 26 44 91
desiroad@gmail.com
www.desiroadrestaurant.com
M° : Odéon
Fermé dimanche & lundi
Carte : 35 € environ