Après cette phase, les premières start-up financées commencent à ressentir la nécessité de lever des tours de financement supplémentaires. C'est précisément à cette étape qu'elles sont confrontées à la deuxième réalité : les fonds de capital-innovation français sont encore trop peu présents sur le segment du post amorçage. Concrètement quand on commence à parler en millions d'euros. Il s'agit pourtant d'une phase cruciale dans le développement des startups innovantes. Elles connaissent des premiers succès commerciaux mais elles sont loin de l'équilibre financier et n'ont pas sécurisé leur business model. Il faut financer une accélération ou, au contraire, un changement de stratégie. Dans tous les cas, c'est coûteux et le manque de moyens est littéralement mortel. Par ailleurs, est-ce réellement le rôle de l'Etat d'intervenir à ce stade de développement des entreprises qui nécessite, outre « du cash », une capacité à accompagner au quotidien les dirigeants des sociétés innovantes dans cette phase décisive de développement ?
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Sur le 1er semestre 20151, on a dénombré dans l'hexagone 273 entreprises soutenues en amorçage pour un total de 241 millions d'euros, 10 entreprises en post-amorçage pour un montant global de 104 millions d'euros et 1 en phase ultime de développement pour 38 millions d'euros. Aux Etats-Unis, sur l'unique 3ème trimestre 20152, on compte 613 entreprises soutenues en amorçage pour un total de 5 milliards de dollars, 257 en post-amorçage pour 6, 3 milliards de dollars et 200 entreprises en phase ultime de développement pour 4, 4 milliards de dollars. Les comparaisons précises n'étant pas pertinentes, restons-en aux grandes masses pour retenir trois éléments majeurs...
Si l'on constate une similitude entre nos deux pays, puisque que le nombre d'opérations diminue avec la maturité des sociétés, on voit aussi que ce nombre diminue terriblement plus vite en France. Concrètement et pour simplifier, une société innovante française sur 28 trouvera un financement en post amorçage quand il s'agit d'une société sur 2,4 aux US... On note surtout une différence importante puisqu'en France les montants globalement disponibles pour ces opérations diminuent alors qu'aux Etats-Unis les 3 groupes sont relativement équivalents. In fine, et même si les deux marchés « domestiques » sont incomparables - 65 millions d'habitants d'un côté, 318 millions de l'autre, prééminence de l'anglais dans le commerce international, ... - l'écart entre les deux pays pour ce qui concerne la dernière étape, celle de la phase ultime de développement qui conditionne la naissance ou non d'une licorne, est un gouffre. Le rapport est ainsi de 1 à 200 en nombre de sociétés financées en phase ultime de développement. Pourtant, si l'on regarde maintenant les données de performance publiées par l'AFIC3, on voit que les investissements les plus rentables sont ceux qui justement interviennent dans les phases les plus tardives du développement des sociétés. C'est donc naturellement vers là que s'orientent d'abord les investisseurs en capital-innovation. Ce n'est donc pas par manque de fonds disponibles (en tout cas en proportion) dans la dernière étape de financement (celle des grosses levées de fonds) que l'on pêche mais par manque de fonds et de sociétés ayant survécu dans l'étape précédente du post amorçage ! La licorne est un animal légendaire mais, dans la vie réelle, elle ne peut pas sortir de nulle part. Il faut une continuité dans la chaîne de financement.
Il faut que les start-up les plus jeunes qui réussissent puissent continuer à se développer. Il faut des fonds de capital-innovation de toutes les tailles avec des capacités de financement variées pour accompagner leur croissance. Si la BPI pousse à la création de 6 fonds à 1 milliard, il faudrait logiquement qu'elle pousse à la création de 60 fonds à 100 millions et à plusieurs centaines de fonds d'amorçage. De tels montants cumulés sont probablement hors de notre portée aujourd'hui, la France n'en a simplement pas les moyens et ce n'est peut-être pas son rôle. Il est en réalité évident qu'il faut créer les conditions d'un retour massif des investisseurs privés sur tous les segments d'investissement. Si l'Etat intervient, il doit le faire à bon escient pour créer un cercle vertueux, intéresser les investisseurs privés, s'y substituer le cas échéant. Prenons enfin le sujet dans le bon ordre, étape par étape. A vouloir financer des sujets qui font rêver sans avoir d'abord jeté les bases rendant le rêve crédible, on poursuit des chimères, pas des licornes.
A propos de auteurs : Jérôme Lecoeur est président du directoire d'Innovacom et Jérôme Faul, directeur général.