Vous n’êtes pas sans savoir notre amour pour les personnalités qui parviennent à tisser des liens entre arts visuels et musique, alchimie célébrée notamment par le webzine Néoprisme, panthéon de la pochette d’album.
Mais avec Cyrille Rousseau, cette alliance prend un tout autre tournant ; c’est l’affiche de concert, généralement d’une fadeur déconcertante, qui revoit ses classiques et se transforme en petit joyau sorti tout droit d’un cabinet de curiosités. Le texte prend l’apparence d’un cartel délicat ou revêt une typographie digne d’un western spaghetti. Dans le même temps, les personnages hybrides qui grouillent sur le papier, menaçants et fantastiques, nous plongent tout droit dans une mer sombre et mouvementée sous laquelle se trouverait une Atlantide des plus extravagantes.
Fortement inspirée des gravures de revues du XIXe siècle (on pense notamment aux unes du Magasin Pittoresque ou du Monde Illustré), mais aussi aux illustrations d’ouvrages d’un Gustave Doré, l’œuvre de l’artiste reprend les codes d’un univers néo-gothique fasciné par le terrifiant et le merveilleux. Si l’on ne peut s’empêcher de faire le lien avec les estampes actuellement sur les cimaises du Petit Palais, on ne saurait limiter le travail de Cyrille Rousseau à une simple remise à jour.
En effet, de par son jeu subtil de la couleur, l’affichiste parvient à redynamiser les résilles encrées, permettant au regard de mieux distinguer les différents éléments représentés et de leur apporter plus de profondeur. Aussi, l’humour mordant employé, découpant les figures comme autant de rubans, jouant sur les mots ou attribuant une dentition acérée à des palmipèdes, renverse la vocation première de ces images qui se voulaient le plus souvent de simples illustrations de faits.
© Cyrille Rousseau
Enfin, et c’est bien là toute la majesté de ces créations, les affiches de Cyrille Rousseau se doivent de faire écho à des musiciens contemporains ; ses talents sont mis au service des plus grands : Jacco Gardner, Girls in Hawaii, Viet Cong, Black Strobe…
L’on pourrait se contenter d’admirer ces productions pour leurs valeurs intrinsèques, y voir seulement la dextérité dans l’assemblage et la sérigraphie. Seulement, ce serait se fermer aux clés d’écoute que les affiches nous fournissent sur les mondes qu’elles viennent illustrer. Ainsi, cette petite fille en tablier parmi des pics rocheux et une flore hypertrophiée, dévisagée par une sorte d’iris anthropomorphe flottant dans les airs pourrait être perçue comme une certaine métaphore visuelle de la musique de Jacco Gardner : psychédélique, épique, profondément enivrante et ponctuée d’accents sombres.
Procédant de cette façon, Cyrille Rousseau renouvelle notre perception de personnalités musicales, réenchante un domaine dominé par les codes un brin barbares de la publicité et fait de l’expérience allant du disque au concert une seule et même boucle, toujours teintée de poésie.
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