« Son nom chante comme sa musique » : c’est ainsi que le décrivait un personnage illustre (trouvez lequel – ceux qui me donnent la bonne réponse auront un cadeau de Noël, une orange ou une boîte de tripoux par exemple !) à propos de Joseph Canteloube.
Quand on s’appelle Canteloube, il est difficile d’imaginer une origine bretonne ou alsacienne. En effet, Joseph Canteloube est né en 1879 en Ardèche, d’une mère cévenole et pianiste et d’un père auvergnat et banquier.
Il commence la musique très jeune, formé au piano par une vieille dame, Amélie Doetzer qui dira-t-il avec imagination « avait été l’élève chérie – et même plus que cela – de Chopin ». A huit ans, il débute l’apprentissage du violon. Son bac en poche (à l’époque 1% d’une classe d’âge l’obtenait), il devient banquier, métier qu’il abandonne rapidement pour se consacrer à la musique. En 1901, il se marie et devient l’élève de Vincent d’Indy (1851-1931), d’abord par correspondance, puis à la Schola cantorum de Paris. Là, il se lie d’amitié avec Déodat de Séverac – qui devrait bientôt faire le sujet d’une notice sur Artetvia.
Ces premières œuvres sont tout à fait de son époque : une Suite pour piano et violon, un Colloque sentimental (tout un programme). Son premier poème symphonique, Vers la Princesse lointaine, est donné au Châtelet en 1912.
Dans les années 30, il répond à la commande d’Etienne Clémentel, président socialiste de l’assemblée départementale du Puy-de-Dôme, en composant un Hymne des Gaules et un drame lyrique Vercingétorix.
Pendant la guerre, il produit des émissions radiophoniques de chants folkloriques et écrit dans l’Action Française, toujours sur ce thème. En 1949, il publie une Anthologie des chants populaires français. Il meurt en 1957. Voilà pour le personnage.
Si vous avez bien suivi, Joseph Canteloube est à la fois compositeur et folkloriste.
Folkloriste, car il a passé sa vie à recueillir des airs populaires et à les diffuser, de « manière scientifique » dirions-nous aujourd’hui. Comme le vous savez tous, c’est durant la première moitié du XXe siècle que le folklore a acquis ses lettres de noblesse, notamment avec les travaux d’Arnold van Gennep, que tout le monde a lu bien entendu, qui, plus qu’un simple objet de curiosité, y voit les derniers soubresauts d’une culture populaire, orale et souvent rurale, qui se meurt. Canteloube s’inscrit totalement dans ce contexte : collecter en masse, rapidement et intelligemment un patrimoine qui disparaît : l’exode rural a commencé et avec lui la perte de la culture rurale et l’uniformisation des modes de vie. Si son recueil de chants d’Auvergne est connu, il s’intéresse à nombre d’autres régions : Touraine, Angoumois, Pays basque, Languedoc, Béarn (il écrit un chant béarnais pour scie musicale), Rouergue, Alsace, Canada…
Compositeur car il a allègrement puisé dans ce riche patrimoine la matière pour créer de nouvelles œuvres, puissantes et délicates. Qu’on ne s’attende pas à entendre résonner les vielles à roues, accordéons et autre cabrette (la cornemuse locale). Nous sommes loin de Malicorne ou de Tri-Yann : Canteloube, en bon bourgeois parisien, s’inspire du folklore et le « classicise » en harmonies délicatement ciselées. Certes, il porte l’étiquette de « régionaliste », mais elle n’est pas infâmante et il n’en reste pas moins un compositeur « académique », connu et reconnu à son époque. Par exemple, son premier opéra, Le Mas, est donné à Garnier en 1929 et ses partitions sont largement diffusées.
Une trentaine de ses Chants d’Auvergne ont été harmonisés pour orchestre et voix soliste. Ils ont été interprétés par les plus grandes cantatrices : Victoria de Los Angeles, Kiri Te Kanawa, Véronique Gens, Anne Sofie von Otter… Les mélodies sont simples, sans trop de mélismes et d’ornements, d’ambitus limité, souvent très proches de la « réalité ». En revanche, les accompagnements sont des créations de Canteloube. Et cela s’entend. Allons-y donc