L'histoire: Ben et Lily forment un couple soudé mais quelconque. Un matin, ils se réveillent dans des corps différents des leurs et découvrent qu'une fillette de cinq ans vivant dans le corps d'un trentenaire barbu, Magalie, se cache dans leur appartement.
Pour ceux qui ne connaissent pas encore le trio Raphaël Descraques, Julien Josselin et Vincent Tirel, il s'agit de la tête pensante des Suricate, dont les sketches les plus drôles et/ou connus sont Movies vs Life et The Superheroes Hangover. Avec Shitty Ghost (le Fantôme de merde), ils s'étaient déjà frottés à un format différent de leurs vidéos habituelles et ils confirment leurs ambitions cinématographiques en proposant aux internautes un film d'1h15 totalement gratuit : Les Dissociés. J'aime beaucoup l'esprit de leurs sketches mais je dois avouer que passer d'une pastille d'humour de quelques minutes à un film complet ne m'emballait pas vraiment. En lisant l'article de Tina, le projet proposé m'a finalement plu et j'ai lancé le film sans hésiter (il me fallait juste un coup de pied au derrière).
Mes réticences se sont avérées infondées puisque j'ai rapidement adhéré au propos, même si au début, l'histoire est volontairement floue. Le spectateur découvre l'existence des dissociés, des âmes qui changent de corps, en même temps que Ben et Lily, ce qui permet de mieux comprendre les enjeux de l'intrigue. Celle-ci, mis à part le thème des dissociés, n'est pas spécialement originale : le scénario se calque quelque peu sur les histoires de super héros avec le clan des gentils un peu nuls et celui du méchant très puissant qui veut anéantir le monde. Mais pour un premier long métrage, il ne faut pas forcément viser le révolutionnaire et faire un travail de la qualité reste l'essentiel. Ce que nos trois compères accomplissent assez facilement. De plus, la simplicité de l'histoire leur permet d'intégrer de nombreuses vannes, jeux de mots et autres "gags" (je n'aime pas ce mot, il donne l'impression de quelque chose de bouffon alors que ce n'est pas le cas) qui font le succès de Suricate. Je suis d'ailleurs très friande de l'humour de cette génération, même quand il s'agit de bas corporel, parce qu'il fait presque toujours mouche. C'est absurde, mais intelligent.
Raphaël Descraques et Julien Josselin forment un bon duo et leur complicité dans la vie est visible à l'écran. J'apprécie la façon dont ils jouent les âmes féminines dans un corps d'homme: ils ne caricaturent pas un comportement qu'ils pensent être celui d'une femme, tout en conservant des attitudes ou des réactions crédibles, à propos d'un changement inopiné d'anatomie par exemple. La meilleure surprise vient de Vincent Tirel, qui parvient à nous faire croire qu'il est animé par l'âme d'une gamine de cinq ans alors que c'est un grand gaillard barbu et chevelu. Ils se sont aussi entourés d'humoristes et youtubers que j'aime beaucoup comme David Marsais et Grégoire Ludig du Palmashow, PV Nova, Baptiste Lecaplain et on peut apercevoir Kyan Khojandi, Slimane Baptiste Berhoun, François Descraques, et j'en passe.
Malgré un budget très serré, le résultat me semble être d'excellente qualité et me redonne de l'espoir en ce qui concerne le cinéma français. Ce n'est sans doute pas parfait, mais je n'ai pas fait attention aux défauts ; on voit des films bien pires dans les salles. Je suis contente de voir que quelque part, il existe encore des personnes prêtes à prendre des risques et à proposer des choses innovantes et drôles.