Pour paraphraser le titre récent d’un auteur à succès : « Et si c’était vrai » ?
La politique-fiction est terriblement d’actualité (Boualem Sensal, Michel Houellebecq, etc …) et dans les moments d’angoisse que nous traversons aujourd’hui, il est bon d’écouter ceux qui en savent plus que nous et exercent leur talent pour éclairer notre lanterne. Et le choix du roman graphique est judicieux : réputé plus accessible aux jeunes générations, il marque les esprits habitués à l’image choc et au discours synthétique.
Car c’est bien d’un chaos socio-économique qu’on nous parle, celui de notre pays au lendemain d’une élection présidentielle gagnée par la présidente du parti d’extrême-droite. Et encore … l’ouvrage a été écrit bien avant le carnage du 13 novembre et les résultats du premier tour des élections régionales.
Fruit du travail en commun (j’allais dire « collaboration » mais ce n’est peut-être pas le moment) d’un historien reconnu et de journalistes spécialisés, l’ouvrage a le mérite de bien poser les conséquences immédiates de la mise en œuvre des propositions du Front National. Ceux qui souhaitent un changement radical dans la politique française avec la mise au placard des politiques de tous bords qui n’ont pas réussi à sortir le pays de ses difficultés structurelles ne s’imaginent certainement pas selon quels mécanismes la dégringolade est inéluctable en cas d’application des mesures, même symboliques, prônées noir sur blanc par celle qui brigue la magistrature suprême.
En cela, la BD de politique-fiction(?) est crédible, en particulier sur les conséquences d’un retour au Franc : les mécanismes économiques sont têtus comme les chiffres. Mais qui se donne la peine d’étudier l’économie et les flux monétaires internationaux ?
Le scénario est bien structuré, axé principalement sur le rôle des médias et les outils de surveillance électronique d’une part, l’atteinte aux libertés inhérente à la mise en œuvre de l’état d’urgence (mais oups, nous y sommes, non ?) d’autre part. Je doute cependant que certaine personnalité politique de ma génération participe à l’aventure en acceptant la charge de Premier Ministre. Mais, depuis Laurent Binet et « la septième fonction du langage », on n’hésite plus à mettre en scène d’éminents personnages vivants dans des situations les plus loufoques.
Après avoir lu cette BD, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas …
Bref, une fiction bien documentée, et pas si absurde que ça, à méditer avant de repasser (ou passer, il n’est pas trop tard !) dans l’isoloir.
La Présidente, roman graphique de politique-fiction par François Durpaire et Farid Boudjellal, éditions Les Arènes – Demoplus, 160 p. 20€