08/12/15
Doper la production agricole mondiale tout en réduisant son impact dévastateur sur l'environnement ? Grâce à ces étonnantes innovations, cela va devenir possible.
Pour nourrir les 9,2 milliards d'humains qui peupleront la planète en 2050 (2 milliards de plus qu'aujourd'hui), la production agricole va devoir bondir de 70%. Or, avec moins de terres arables, il faut accroître les rendements tout en réduisant les dommages sur la nature. Les «clean techs» devraient permettre de résoudre ce paradoxe. "L'agriculture sera écologiquement intensive", parie le Français David Dornbusch, fondateur de Clean Tuesday.Des robots à la place des désherbantsSe passer de produits chimiques tout en évitant aux maraîchers de perdre leur temps et leur santé à désherber leurs parcelles ? Avec le robot Oz, c'est possible. Electrique et autonome grâce à un guidage laser, la dernière innovation du toulousain Naïo Technologies désherbe une rangée de légumes de 100 mètres en sept minutes quand l'homme y passe dix heures. Vingt-cinq robots à 20.000 euros pièce sont déjà au travail, notamment chez Bonduelle, leader mondial des légumes.Mieux diagnostiquer les plantesFini le temps où les agriculteurs devaient prélever des échantillons. Issus de quinze années de recherche, les capteurs optiques portables de la start-up Force A mesurent en temps réel, au seul contact de la plante, quantité de données. Atout : les traitements phytosanitaires sont réduits de 20 à 50% et les récoltes se font au plus près de la maturité. Réalisant deux tiers de son chiffre d'affaires à l'international, Force A est bien parti pour devenir le leader du diagnostic en temps réel du végétal.Utiliser les déchets animaux
Un quart des besoins de la France en gaz assuré par les 155 millions de tonnes de fumier issues de notre élevage chaque année ? Oui, grâce à leur méthanisation qui, en milieu clos, produit de l'énergie. Pionnier de cette technologie, Naskeo a déjà équipé 200 fermes. "Avec la revente à EDF, une exploitation de 150 vaches peut en tirer 50.000 euros par an, en dégageant 440 tonnes de CO2en moins", résume son DG, Sylvain Frédéric.
Des drones contre les abus d’azote
Créé en 2010, Airinov est un des leaders européens de la cartographie agronomique par drone. 5.000 céréaliers utilisent déjà sa technologie pour connaître les besoins de la terre en azote au mètre carré près. "Du coup, on en met 25% de moins", estime Romain Faroux (au centre de la photo), cofondateur d'Airinov, dont les ventes doublent chaque année.
© Stéphane GRANGIER pour Capital
Le premier tracteur électrique est français
Les champagnes Moët & Chandon ont acheté les cinq premiers tracteurs vendangeurs électriques Kremer Energie, les seuls à ne pas émettre de CO2 (200 grammes par heure pour les engins traditionnels). Prix ? 168.000 euros, contre 120.000 dans la version fioul. "Ils ont trois ans de développement et deux brevets sous le capot", plaisante Aurélien Kremer, aux manettes de l'entreprise familiale, qui espère en vendre 50 par an, soit 10% du marché des vendangeurs. Avec 95% d'économies sur la facture énergétique, 80% sur les frais d'entretien et zéro nuisance sonore.
Des radars ultra-précis pour l’irrigation
Encore plus forts que ceux de Météo France ! Tandis que l'organisme public mesure la pluie tombée au mieux sur une portion de 1 kilomètre carré, les radars terrestres de la start-up tricolore Weather Measures le font sur 150 mètres carrés. "Une telle précision sur l'humidité des sols permet aux agriculteurs d'utiliser moitié moins d'eau et d'engrais", assure Arnault Trac, un des fondateurs. Soit 500 euros d'économie par hectare.
Réduire rots et gaz des bêtes
"En mangeant de la chicorée et du trèfle blanc plutôt que du fourrage, les vaches roteraient 20% de méthane en moins, soit l'équivalent en CO2 de ce qu'émettent 3 millions de voitures par an", précise Jean-Baptiste Dollé, de l'Institut de l'élevage. Le lin a les mêmes propriétés, mais il est cher. Autre piste suivie par des chercheurs américains : une molécule agissant sur les bactéries de la panse diminuerait les rejets de gaz de 30%.
Des capteurs pour le contrôle des cultures
Taux d'humidité, température de l'air, chimie du sol, des infos que la start-up lilloise Weenat peut transmettre en temps réel sur le smartphone des agriculteurs. Le plus "environnement" de ces capteurs plantés dans les champs ? "Ils permettent à l'exploitant d'optimiser les apports d'engrais et les passages de tracteurs, donc de préserver l'écosystème", précise Jérôme Le Roy, fondateur de Weenat. Son marché ? Les 1.000 grandes exploitations céréalières de France, d'Italie, d'Espagne et des Pays-Bas.
Des abeilles pour doper les récoltes
"Si on veut nourrir 9,2 milliards d'individus d'ici 2050, on doit booster les rendements, de manière propre", rappelle Franck Mariambourg, fondateur d'Osmia, une start-up d'Agen. Or quel est le mécanisme naturel au cœur de la reproduction des végétaux ? La pollinisation. Et qui transfère au mieux les graines de pollen d'une plante à l'autre ? Les abeilles. Osmia les élève et les lâche dans la nature au pic de la floraison. Résultat : là où il fallait 60.000 insectes "sauvages" pour polliniser 1 hectare de pommiers, il suffit d'un millier d'abeilles Osmia, sans engrais. Mieux : "Les récoltes sont jusqu'à 20% supérieures et les fruits de bien meilleure qualité : plus besoin de conservateurs", affirme Franck Mariambourg, passé par Carrefour. Rien qu'en France, le marché de la pollinisation assistée est estimé à 500 millions d'euros.
Le big data va faire bondir la productivité
Aux Etats-Unis, Google a investi 15 millions d'euros dans la plateforme d'échanges de données Farmers Business Network. "Un signe", relève Jérémie Wainstain, fondateur de The GreenData, start-up de l'incubateur parisien Le Village. Analyser les données des exploitations pour les rendre plus productives avec un moindre impact sur l'environnement, c'est l'enjeu du big data appliqué à l'agriculture, un marché à 10 milliards d'euros. Deux coopératives sucrières de la Beauce testent ces solutions pour rationaliser la noria de camions qui, lors des récoltes de betteraves, tournent 24 heures sur 24 des champs à l'usine. "Nos outils ont permis de réduire les coûts de logistique, donc les émissions de CO2, de 10%", explique ce polytechnicien.
Des serres urbaines sans pesticide
Des agriculteurs en blouse blanche, la terre remplacée par des sels minéraux, le soleil par des LED : des fermes-usines se dressent déjà au Japon, à Singapour et bientôt à Lyon, pour produire de vraies salades. L'intérêt d'une ferme verticale : elle ne nécessite ni pesticides ni irrigation, ne subit pas les aléas du climat et réduit les coûts des transports, tandis que 80% de l'humanité vivra en ville en 2050. En plus, elles affichent un rendement dix fois supérieur aux cultures de plein champ.
... 10 millions de voitures en 2020
Nathalie Villard © Capital
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