[Critique] LES SURVIVANTS

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Z for Zachariah

Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Craig Zobel
Distribution : Margot Robbie, Chiwetel Ejiofor, Chris Pine
Genre : Drame/Anticipation/Adaptation
Date de sortie : 2 décembre 2015 (DTV)

Le Pitch :
Un cataclysme a provoqué la fin de l’humanité. La Terre n’est plus propice à la vie. Une région a cependant été épargnée. Ann, une jeune femme, vit dans cet oasis de verdure, seule dans sa maison, en pensant être la dernière survivante. Un jour, elle rencontre Loomis, un scientifique blessé, qu’elle accueille dans sa demeure et soigne. Alors que des sentiments commencent à naître entre la jeune femme et le jeune homme, Caleb, un troisième individu, fait son apparition…

La Critique :
Le scénario des Survivants (Z for Zachariah en version originale, c’est important de le souligner vu la nullité du titre français) faisait partie de la blacklist, soit liste noire des scripts les plus appréciés n’ayant pas encore été mis en images. Une liste sur laquelle ont d’ailleurs figuré Prisoners, The Social Network ou encore The Voices.
Adapté du roman de Robert C. O’Brien, le film prend une grosse liberté par rapport à son modèle, en introduisant en effet le personnage incarné par Chris Pine. Un ajout qui instaure un triangle amoureux, faisant un peu de l’ombre au côté « anticipation » de l’histoire, sans pour autant le dénaturer. Car finalement, même si le long-métrage est vendu comme une sorte de drame amoureux, ce n’est pas franchement le plus important. Le contexte prime, tout comme le passif des personnages, abandonnés dans un monde sur lequel il n’ont plus le contrôle.
Enclavée dans une zone protégée, Ann, le personnage de Margot Robbie, est une sorte de version féminine de Robinson Crusoé. L’arrivée de Loomis, alias Chiwetel Ejiofor, remodelant totalement les contours de ce que son existence solitaire était jusqu’alors. De naufragée sur sa propre terre, Ann devient une sorte d’Eve, tandis que Loomis est Adam. Et là où le film fait preuve d’originalité, c’est qu’il n’est pas question de repeupler un monde de toute façon perdu, mais plutôt de tromper l’ennui et la torpeur en organisant une résistance sur la durée afin de vieillir dans une sorte de sérénité alors seulement envisageable dans la turpitude de la solitude. Un point amplifié par la fameuse introduction de Caleb, le troisième larron incarné par Chris Pine.
Âmes perdues, les trois protagonistes se rencontrent quand ils n’espéraient plus rien de leur existence si ce n’est tenter de vivre le plus longtemps possible en évitant de souffrir. Le problème, c’est justement qu’ils sont trois, et que même si la fin du monde est passée par là, il est toujours difficile pour deux mecs de se départager quand il s’agit de toucher le cœur d’une jolie fille.

Beaucoup moins mineur que sa sortie française discrète pourrait le laisser présager, Les Survivants prend à revers une thématique à la mode, pour livrer une belle réflexion, et ainsi surfer sur des émotions fédératrices, en touchant presque systématiquement sa cible.
Pas étonnant de retrouver Craig Zobel aux commandes, lui qui s’est depuis ses débuts, illustré par le biais de films plutôt différents, mais pour autant marqués par une somme de partis-pris audacieux. Après le traumatisant Compliance, il change de registre et tente d’imprimer son style à un schéma plus classique. Alors que 2015 aura également vu le réalisateur livrer un épisode absolument fantastique de la saison 2 de la série The Leftovers, son Z for Zachariah distille un parfum étonnant. Racé et immersif, le long-métrage prend le temps d’installer son intrigue. Plongé dans de magnifiques paysages, superbement éclairé, il laisse parler une poésie prégnante et n’essaye pas de se la jouer sensationnelle, juste histoire de rallier les fans de grosses productions à sa cause. Ce qui peut s’avérer surprenant pour ceux qui attendaient, après Compliance un nouveau choc frontal brut de décoffrage. Au final, c’est une bonne nouvelle, qui confirme tout le bien qu’il faut penser de ce metteur en scène au style discret mais néanmoins affirmé.
Enfin, si Les Survivants fonctionne aussi bien et arrive à attirer l’attention sur la durée, c’est aussi grâce à son trio de comédiens. Surtout grâce à Margot Robbie à vrai dire, qui après son rôle sulfureux dans Le Loup de Wall Street, trouve une occasion de prouver l’étendue de son jeu. En survivante, sans maquillage ou tenue mettant en valeur ses courbes parfaites, la future Harley Quinn est éblouissante. D’un regard elle incarne les intentions du film et sa voix, profonde et grave, traduit les émotions contradictoires de son personnage plus complexe que ce que le pitch ne pourrait le laisser le croire. En face, Chiwetel Ejiofor est bien entendu impeccable, tout en retenue, tandis que Chris Pine prouve une nouvelle fois après une série de rôles surprenants, qu’il est bien plus qu’une énième belle gueule dans le paysage cinématographique contemporain.
À eux trois, les acteurs instaurent un climat bien particulier, dans lequel il est aisé de se laisser couler.

Les Survivants aurait bien sûr mérité une sortie en salle. Son côté anti-spectaculaire et intimiste lui a probablement coûté cette opportunité. Alors qu’en soi, il s’agit davantage d’une qualité et que d’un défaut et il serait vraiment regrettable de passer à côté.

@ Gilles Rolland

  Crédits photos : Seven 7