Deux semaines à peine se sont écoulées depuis la découverte par Bercy qu’on pouvait faire passer, avec un cynisme assez décontracté, le tabassage fiscal pour de la lutte contre le terrorisme. Cependant, la lutte contre le terrorisme ne peut pas tout excuser et il faut parfois en revenir aux bonnes vieilles méthodes éprouvées pour faire rentrer l’argent dans les caisses. Parmi celles-ci, la délation occupe une bonne place.
Ah, la délation ! Cela faisait longtemps que Bercy n’y avait plus eu recours.
Oh, la dénonciation fonctionnait toujours et a sans aucun doute permis à l’un ou l’autre des inspecteurs du fisc de faire quelques belles prises, mais elle n’était pas directement récompensée par l’administration qui, faussement pudique, indiquait il y a quelques temps que « les dénonciations anonymes, reçues par l’administration fiscale, ne sont jamais exploitées » (ben voyons) et que seuls « les signalements effectués de façon non anonyme peuvent donner lieu à une enquête s’ils font état de faits graves décrits avec précision ».
Mais actuellement, la bonne grosse délation, celle motivée par l’appât du gain en plus de la satisfaction très particulière de voir un ennemi se faire étriller fiscalement, a été suspendue il y a une dizaine d’années. Heureusement, les petits soucis financiers de l’État se faisant plus aigus, et le pouvoir socialiste n’écartant aucune bassesse pour parvenir à rester en place, Sapin et ses fines équipes de Bercy étudient très sérieusement le retour de la dénonciation rémunérée.
Pour Sapin, la délation est en effet une solution pratique qui permettrait de remettre dans le rang les moutontribuables un peu trop épris de liberté et encore bercés de l’illusion que le gain de leur travail leur appartient vraiment (les cons). Il a même poussé l’explication jusqu’à préciser comment devraient être rétribué les délateurs, tant que les informations fournies permettent d’effectuer des redressements fiscaux : pour Michel, ce serait assez chouette d’avoir plutôt un montant forfaitaire, en rappelant tout de même que « Tout ça doit être calé en termes de procédures ». Ce serait dommage de faire un peu n’importe quoi n’importe comment. C’est important, la loi, la morale, l’éthique, la justice, l’équité, la probité, tout ça. N’est-ce pas.
Le détail n’est bien sûr pas encore connu, mais on se laisse ici à imaginer les différents forfaits que Bercy mettra en place pour attirer les meilleurs (délateurs) à lui : intérêts cachés ? 250€, mon bon monsieur. Fortune dissimulée pour échapper à l’ISF ? Un forfait de 1000€, et n’en parlons plus. Fraude à la TVA ? Si c’est un petit artisan, 250€ ; un patron de PME ? 500€. Plus gros ? On va voir ce qu’on peut faire, mais tenez, prenez 1000€. Si vous pouvez aider à coincer un élu de l’opposition ? Alors là, c’est une mallette de petites coupures non marquées, et un déjeuner en tête-à-tête avec le patron (Michel, pas François – vous ne verrez ce dernier que si vous faites tomber Sarkozy). Bref : on attend avec impatience la grille tarifaire officielle.
Notez en revanche que s’il vous venait la fantaisie d’utiliser cette nouvelle facilité de délation pour un organe de presse, fût-il en ligne, fût-il ouvertement en délicatesse avec le fisc et ce pour plusieurs millions d’euros, votre démarche n’aboutirait pas. Pour les cas de complications fiscales sur des médias qui ont, de surcroît, largement démontré leur utilité pour le pouvoir en place, la gestion du dossier se fera directement à l’Assemblée qui pourra voter, en catimini et en ordre resserré (à 11 voix contre 10), une jolie amnistie effaçant prestement l’ardoise. C’est aussi ça, la démocratie et l’égalité fiscale à la française.
Pour ceux qui attendent de pouvoir se faire un petit revenu d’appoint en ces périodes délicates, ne vous inquiétez pas : le projet pourrait être présenté au parlement au printemps prochain dans le cadre de la loi Sapin 2.
Ce sera, on s’en doute, un chef-d’œuvre de législation ciselée dans le bon goût, le respect du droit et de la morale, tenant bien évidemment compte de tous les petits couinements stridents des habituels moralisateurs de Prisunic, à l’instar d’un Yann Galut, toujours député, toujours socialiste, qui voit deux problèmes : celui du trop-plein de délations (« encourager les personnes à déclarer contre rémunération, c’est prendre le risque de créer de fausses alertes ») qui ne surprendra personne dans un pays où la rigueur fiscale est chevillée au corps de chaque contribuable, et celui du lucre trop facile car « les indics ne doivent pas se transformer en chasseurs de primes ». En outre, avec tous les petits problèmes actuels de trésorerie distendue, il semble logique de ne pas ralentir le pas de l’administration dans sa chasse aux petits porte-monnaies délaissés.
Mieux encore : avec la prochaine fiscalisation des revenus tirés des sites collaboratifs (plate-formes où des particuliers peuvent mettre à disposition matériel, proposer des services ou partager un véhicule moyennant paiement), on sait déjà qu’une horde de frétillants délateurs va pouvoir s’abattre sur le Français lambda qui croyait naïvement faire preuve de vivrensemble en louant son taille-haie au voisinage. Alors qu’en réalité, tout le monde sait maintenant que tous ces revenus de toutes ces plateformes forment un gros bloc de Manque-À-Gagner qui agit comme une épine dans le fondement du budget de l’État.
Bref, on l’a compris, la délation revient, et ses champs d’application s’étendent à nouveau. Quelle bonne nouvelle, cette France qui s’espionne elle-même ! Quelle superbe mentalité, cette instauration officielle de la guerre de tous contre tous ! Car si elle n’est vraiment pas efficace pour souder un peuple, elle permet en tout cas aux élites de rester en place par application du « Diviser Pour Mieux Régner » digne des plus belles pages de Machiavel ou Sun-Tzu.
Le danger, bien sûr, est qu’à mesure que cette ambiance délétère s’étend, à mesure qu’on sabote doucement les opportunités des uns et des autres d’arrondir leurs fins de mois par des procédés relevant du commerce direct entre adultes consentants, à mesure qu’on insère l’État partout et, pire, qu’on incite chacun à l’y fourrer partout où il ne se trouverait pas déjà, à mesure qu’on pervertit le cœur de tous en remplaçant la confiance par la suspicion systématique, on construit un avenir fort sombre pour ce pays.
Qui à mon avis est foutu.
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