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Une rose et des épines

Publié le 09 décembre 2015 par Lana

Aujourd’hui, un client schizophrène nous a offert des fleurs, à mes collègues et à moi, pour nous remercier, pour nous dire son « respect pour la beauté des mots ».

Aujourd’hui, j’ai lu qu’on estimait entre 38 et 45% le nombre de schizophrènes non soignés.

J’ai ai vu d’autres dans un reportage se faire attacher et obliger à prendre des neuroleptiques, menacé d’une injection. J’ai lu que le contention c’était un étayage sur le corps, que c’était un soin.

J’ai entendu qu’une patiente en crise suicidaire c’était une urgence « oui et non », oui mais non parce qu’elle mobilise des ressources qu’on pourrait donner à d’autres. Voilà, si on ne pisse le sang que psychiquement, on n’est pas une vraie urgence, les urgences psychiatriques, ça n’existe pas pour tout le monde. Mobiliser des ressources quand on a trébuché et qu’on s’est tordu la cheville, c’est honorable. Quand on trébuche sur la vie, ça l’est tout de suite moins. Il n’y a que ce qui se voit qui compte, le reste ça peut rester brisé, c’est pas si grave. Je le sais, j’ai marché brisée pendant des années sans que ça inquiète personne. Je le sais, j’ai plus culpabilisé d’aller aux urgences pour raison psychiatrique que pour un doigt même pas cassé.

Aujourd’hui, j’ai eu mal pour les schizophrènes pas soignés et pour les soignés aussi, les violemment soignés. J’ai pensé à la jeune fille que j’étais et qui marchait en se tenant les tripes. J’ai pensé que beaucoup ne trouvait pas ça grave. J’ai pensé que ceux qui trouvaient ça grave y avaient répondu à coups de neuroleptiques trop fortement dosés et d’enfermement. Qu’il y avait ceux qui m’envoyaient aux urgences et ceux qui m’en renvoyaient parce que « psychotique, c’est un bien grand mot ». J’ai pensé à tous ces gens qui vivent cela pour le moment, la violence de la maladie, la violence de l’indifférence et la violence des soins.

J’ai eu envie d’écrire, même si ce n’était pas pour dire grand-chose, si ce n’est qu’aujourd’hui j’ai reçu une rose blanche de la part d’un client schizophrène pas vraiment soigné mais tellement gentil.


Classé dans:Réflexions personnelles

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