C'est à Marguerite Gourgue, qui assure la direction du théâtre depuis 2008 que l'on doit la chance de cette programmation. Elle a découvert la pièce devant un feu de cheminée, auprès d'amis avec qui elle séjournait dans le Connecticut, tout simplement parce qu'ils avaient invité un auteur de théâtre. C'est dire combien les méandres de la création sont étonnants.
La pièce est un équilibre très réussi de sensibilité. Elle est très emblématique des questions qui agitent l'air du temps, qu'il s'agisse de sentiments, du droit à la différence, de l'évolution que la religion peut consentir ... ou pas.
Brian et Tom s’aiment. Très croyants, ils désirent que le Père Raymond les unissent par les liens sacrés du mariage pour vivre pleinement leur amour au sein de l’église dans laquelle ils se reconnaissent et s’épanouissent depuis de longues années. Mais ils se heurtent à son refus : comment pourrait-il les unir alors que l’Eglise catholique dénie l’homosexualité ? Lorsqu’Irène, la sœur de Brian, cherche à le convaincre, le prêtre se trouve à son tour confronté à un choix qui bouleversera ses propres convictions. Quatre vies, quatre dilemmes : amour, conscience, sexualité, foi. En sortiront-ils tous indemnes ?Le thème central concerne l'acceptation du mariage homosexuel par l'Eglise, avec au second plan une remise en question du célibat du prêtre. Il y a le pour, le contre, selon que l'on se place du point de vue de l'homme ou de la lecture qu'il peut faire de la parole soit disant divine.
Comme l'avait préconisé Jean de la Bruyère dans ses Caractères en 1688, on ne doit pas juger du mérité d'un homme par ses grandes qualités mais par l'usage qu'il peut en faire.
Les deux garçons ont décidé de soumettre leur projet au prêtre (formidable Bruno Madinier). Le premier prend le risque, le second a la certitude ... d'être rejeté. Le père Raymond sourit, reste silencieux, parait ne pas comprendre, avant d'opposer fermement l'obéissance au dogme.
Après tout donner aux gens ce qu'ils demandent n'est pas une preuve d'amour chez les flamands roses.
Vous devinerez que l'auteur a tenu à distiller de l'humour pour entretenir l'attention des spectateurs. Je me suis demandé ce qu'il serait advenu si on nous avait demandé de voter à la fin. Car chaque protagoniste a de (bons) arguments.
La mise en scène d’Anne Bourgeois est un équilibre de douceur et de fermeté. Les décors de Sophie Jacob, éclairés de main de maitre par Jean-Luc Chanonat fonctionnent à la perfection. Les comédiens, Julie Debazac, Julien Alluguette, Bruno Madinier et Davy Sardou sont sur un pied d'égalité, ayant chacun des dialogues ciselés. Il faut les saluer d'avoir sacrifié pour nous leur jour de relâche. On passe un très bon moment de théâtre.
Si la réponse est oui alors les voeux deviennent la constante à laquelle tout doit s'adapter, aussi bien la religion que la vie civile. Cette pièce amène donc chacun de nous à réfléchir sur la valeur des sentiments qu'il éprouve et sur celle de ceux que son conjoint(e) prétend lui témoigner. Quitte à retomber sur terre un peu brutalement.
Même si l'auteur, Bill C. Davis, qui a aussi écrit la célèbre pièce l’Affrontement, apporte sa réponse à la fin, le public n'est donc pas dispensé de réfléchir et pour l'aider dans cette tâche, Marguerite Gourgue avait convié ce soir de belles personnalités de diverses religions pour débattre autour du sujet : "Amours et Religions aujourd'hui", avec un pluriel qui prenait tout son sens.
Face à ce qu'il convient de nommer les vicissitudes du coeur la promesse devient une idée folle mais qui permet de se maintenir. C'est toute la question de l'identité de soi et elle méritait d'être débattue.