Quand la culture, en plein effondrement, sera
couverte de souillures, presque une constellation
de souillures , un véritable dépotoir d'immondices;
s quand les idéologues seront devenus trop abjects pour 'attaquer aux rapports de propriété, mais trop abjects aussi pour les défendre, et que les seigneurs qu'ils auraient bien voulu, mais n'ont pas su servir, les chasseront;
quand, les mots et les concepts n'ayant quasiment plus
rien à voir avec les choses, les actes et les rapports
qu'ils désignent, on pourra soit changer ceux-c i sans
changer ceux-là, soit changer les mots tout en laissant
choses, actes et rapports inchangés ;
quand il faudra, pour pouvoir espérer s'en tirer avec
la vie sauve, être prêt à tuer;
quand l'activité intellectuelle aura été restreinte au point
que le processus d'exploitation lui-même en pâtira ;
quand on ne pourra plus laisser aux grands caractères
le temps qu'il leur faut pour se renier;
quand la trahison aura cessé d'être utile, l'abjection
d'être rentable , la bêtise d'être une recommandation;
quand il n'y aura plus rien à démasquer, parce que
l'oppression s'avancera sans le masque de la
démocratie, la guerre sans celui du pacifisme,
l'exploitation sans celui du consentement
volontaire des exploités ;
quand régnera la plus sanglante censure de toute pensée,
mais qu'elle sera superflue parce qu'il n'y aura plus
oh, alors la culture pourra être prise en charge par
le prolétariat dans le même état que la production:
Ecrits sur la politique et la société, L'Arche éditeur
Le siècle, Cité par Alain Badiou, Seuil, 2005, pages 71-72