La biennale de la photo du monde arabe lutte contre les « clichés »
Du 11/11/2015 au 17/01/2016
Organisée conjointement par l’Institut du Monde Arabe et La Maison Européenne de la Photographie, cette nouvelle biennale a été lancée en catimini dans un contexte troublé.
Des artistes encore peu connus y développent leurs visions nuancées d’un monde en pleine mutation. Vus de l’extérieur ou vécus de l’intérieur, ces témoignages évoquent avec une grande pudeur les questions qui agitent le monde arabe et, au-delà, l’humanité toute entière.
Courtesy Wafaa Samir
Ramadan, 2013
Tarif groupé : 13 € (tarif réduit : 8 €)
Institut du Monde Arabe
1 rue des Fossés-Saint-Bernard, 75005 Paris
Du mercredi au dimanche, de 10h à 18h
Nocturne le vendredi jusqu’à 21h30
Maison Européenne de la photographie
5-7 rue de Fourcy, 75004 Paris
Du mercredi au dimanche, de 11h à 19h45
Ailleurs dans le 4e : Cité internationale des arts (18 rue de l’Hôtel de Ville), Mairie du 4e (2 place Baudoyer), Galerie Binôme (19 rue Charlemagne), Galerie Photo 12 (14 rue des Jardins St-Paul)…
PHOTOGRAPHIE ET MONDE ARABE
La photographie n’est pas, traditionnellement, le médium de prédilection des artistes arabes. Mais le développement des nouvelles technologies de l’information a eu tendance à généraliser son usage ces dernières années. En dehors de Doud Aoulad Siyap, né à Marrakech en 1953 et digne représentant de l’héritage des photojournalistes humanistes, ce sont donc surtout des jeunes artistes qui s’expriment dans cette biennale.
Dans le monde arabe, il y a toujours eu cette censure. Les gens ne se photographient pas. Parce que la photographie est bannie dans l’Islam. Photographier quelqu’un, c’est prendre son âme.*
Daoud Aoulad Siyad
Daoud Aoulad Siyad, Marrakech 1987
Courtesy de l’artiste
Plus qu’ailleurs, les artistes du monde arabe interrogent les caractéristiques et les limites de la photographie en tant qu’outil de représentation.
Cette approche non documentaire ou volontairement objective est bien illustrée par Fayçal Baghriche qui inventorie les lieux de prêche musulman dans leur plus simple appareil ou par les vues anonymes de Beyrouth exposées par Caroline Tabet à la Galerie Binôme.
Mustapha Azeroual (également convié à la Galerie Binôme) utilise dans Radiance #2 l’impression lenticullaire pour tromper notre regard et illustrer sa subjectivité. Une œuvre qui évolue avec la lumière et les points de vue.
Mustapha Azeroual, Radiance#2
Courtesy de l’artiste / Galerie Binôme
L’IDENTITÉ AU CŒUR DES ENJEUX POLITIQUES
L’exposition principale de la biennale – à l’Institut du Monde Arabe – s’intitule « Histoire(s) contemporaine(s). » Dans son introduction, Géraldine Bloch se refuse à toute catégorisation des artistes exposés et prend le parti de se situer « en marge de la pure actualité. »
La ligne directrice transparaît à travers les titres des sections, qui distinguent les « paysages » des « mondes intérieurs » et fait se succéder les « printemps » et les « identités » : il est ici principalement question des rapports entre individualité et collectivité.
Nabil Boutros, Les Égyptiens, 2010-2011 / Courtesy de l’artiste
À travers cette série de 18 autoportraits, Nabil Boutros met en scène l’apparence comme moyen de communication politique et sociale. Ce discours est ici mis en scène au cœur de la révolution égyptienne (2010-2011) mais son ambition est universelle. Dans une société qui change, les individus changent également pour faire oublier leur passé ou embrasser l’avenir.
Lazare Mohamed Djeddaoui s’est donné pour défi de réaffirmer la culture levantine traditionnelle au cœur d’une Syrie dévastée par la guerre. En 2015, il a reçu le soutien enthousiaste de la population des environs d’Alep pour réaliser sa série des « Contes syriens » dont est extraite la « Fille de l’ogre ».
Ces œuvres donnent chair à la diversité culturelle qui traverse et divise parfois le monde arabe. Elles mettent à bas le stéréotype d’une société prétendument monolithique.
Lazare Mohamed Djeddaoui, La Fille de l’Ogre, 2015
Courtesy de l’artiste
LE POINT DE VUE DE L’OCCIDENT
La force de cette biennale consiste à faire dialoguer les points de vue intérieurs et extérieurs : les photographes du monde arabe ne sont pas forcément arabes et la Maison Européenne de la Photographie convoque des regards d’occidentaux passionnés, dont l’approche diffère sensiblement des précédents.
Stéphane Couturier, Alger, Bab-El-Oued n°2, 2013 / Courtesy de l’artiste et Galerie Particulière, Paris
La photographie de Stéphane Couturier a presque toujours eu trait à l’urbanisme et sa temporalité. À partir de 2011, il s’est intéressé à la cité « Logement de France » que Fernand Pouillon a édifié à Bab el Oued en 1950, mettant en regard l’échec contextuel du modèle urbain de la métropole avec des portraits des habitants d’aujourd’hui.
L’empreinte de l’occident est également palpable dans le travail qu’entreprend le couple franco-italien Andrea & Magda. Après la Palestine, ils se sont attachés à représenter l’impact de l’Histoire contemporaine – la révolution égyptienne – sur le paysage du Sinaï : les événements de la place Tahrir ont brutalement mis fin au développement d’un tourisme outrancier dans cette région bédouine. Ne demeurent que des vestiges absurdes et artificiels.
Ces photographes savent s’émanciper de la tentation « exotisante » qui a si longtemps caractérisé notre regard sur le Moyen Orient. Ils résistent également au piège du commentaire littéral ou sensationnaliste.
Cette première édition de la biennale de la photographie du monde arabe contemporain était une initiative nécessaire.
Andrea & Magda, Sinaï Park
Courtesy de les artistes
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