Magazine Beaux Arts

L’histoire de la photographie en 5 minutes

Publié le 28 novembre 2015 par Le Collectionneur Moderne @LeCollecModerne

Les grands jalons de la photographie
résumés en 5 minutes

La première photographie a presque 190 ans !
Médium incontournable de la création contemporaine, la photographie « d’art » soulève des problématiques complexes qui lui sont propres : rapport avec le réel, avec la technologie, fonction documentaire, photomontage …
Comment comprendre la photo contemporaine sans se pencher sur son histoire ? Tour d’horizon en moins de 5 minutes.

Gustave Le Gray, Flotte française en rade de Cherbourg, 1858

Gustave LE GRAY (1820-1884), Flotte française en rade de Cherbourg, 5 août 1858 (détail)
Tirage sur papier albuminé d’après négatif verre au collodion (vente Rouillac, 18 juin 2011)

LES ENJEUX TECHNIQUES

Le développement de la photographie s’apparente à la course aux étoiles : le procédé qui a marqué les mémoires est le « daguerréotype », mais les inventions sont innombrables et présentent chacune des « recettes » différentes : calotype (1er négatif sur papier), tirages à l’albumine, au collodion, films en celluloïd, « autochrome » en 3 couleurs des Frères Lumière… l’histoire de l’art photographique est indissociable de ses aspects technologiques et ce sont sensiblement les mêmes questions qui sont réapparues aux débuts du numérique.

Nicéphore Niépce, Point de Vue du Gras, 1826

« Point de Vue du Gras » est la première photographie qu’ait réussi Nicéphore Niépce en 1826 avec un temps de pose de plus de huit heures. Conservée à l’Université d’Austin au Texas, cette prise de vue a été fixée sur une plaque enduite de bitume de Judée.

UNE CRISE EXISTENTIELLE

On mesure mal aujourd’hui la polémique qui a accompagné la naissance de la photographie. Les grands artistes ont tous pris part au débat et nombreux sont ceux qui ont dénigré le mimétisme de la reproduction photographique. La fonction de l’artiste n’est-elle pas de recomposer la réalité ? Deux tendances vont ainsi se distinguer : les « pictoralistes » qui composent et retravaillent l’image et le mouvement de la « straight photography » qui se concentre sur les spécificités du médium, réalisme et instantanéité.

Alfred Stieglitz, The Steerage, photo prise en 1907

Alfred Stieglitz est l’instigateur de la Straight Photography : dans The Steerage (cliquez pour agrandir), photo prise en 1907, on retrouve les principales caractéristiques du mouvement : contemporanéité du sujet, spontanéité, réalisme social… Elle ouvre la voix à l’art moderne en général.

Alexandre Rodtchenko, L’Escalier, 1930
Alexandre Rodtchenko, L’Escalier, 1930 (détail) Épreuve gélatino-argentique © ADAGP/ Centre Pompidou/ RMN

LES TOURNANTS AVANT-GARDISTES

À mesure qu’elle s’impose comme discipline artistique à part entière, les avant-gardistes adaptent leurs expérimentations plastiques aux particularités techniques de la photographie. Les constructivistes développent de nouveaux angles de vue (contre-plongée, diagonales dynamiques…), tandis que les cubistes – puis plus tard les surréalistes – piègent le spectateur en détournant la réalité photographiée.

Man Ray, Rayographie, Champs Délicieux n°8, 1922

Les surréalistes Moholy-Nagy et Man Ray travaillent par montages, solarisations, surimpressions, brûlages… afin de révéler la poésie de l’accident. Ils reprennent à leur compte la technique du « photogramme » développée dès la fin du XIXème. Champs délicieux n°8 (1922) fait partie des « rayographies » obtenues sans objectif ni négatif, par simple contact des objets sur un papier sensible.

L’ÈRE DU PHOTOJOURNALISME

Dès son apparition, la photographie a attiré la presse par son apparente objectivité. Les innovations techniques permettent son apparition dans les journaux des années 30 et l’après-guerre voit naître des agences où s’agrègent les photographes-reporters. Ils abolissent la frontière qui séparait journalisme et Beaux Arts et interrogent les liens entre l’art et le documentaire, entre le sujet et sa restitution par l’artiste.

Robert Capa, Magnum, Le Visage dans les vagues, 1944

En 1944, Robert Capa débarque en première ligne sur la plage d’Omaha Beach. On n’a encore jamais vu une telle implication d’un artiste dans son œuvre ! The Face in the surf est l’un des onze clichés qui ont survécu à l’aventure. Il représente le soldat Huston Riley qui vient de recevoir quatre balles dans l’épaule. La propriété de cette image appartient à l’Agence Magnum, que Capa a cofondé en 1947.

Andreas Gursky, Rhein II, 1999

Andreas Gursky, Rhein II, 1999 (détail)
Impression couleur chromogène sur verre acrylique, 190×360 cm
(épreuve adjugée 4,3 millions de $ en 2011, record historique pour un photographie)

LES APPLICATIONS CONCEPTUELLES

La démocratisation de la photo amène les artistes des 60’s à s’interroger sur son intérêt. Trois approches conceptuelles se dégagent alors : une démarche documentaire qui vient sublimer ou critiquer une réalité crue, une démarche narrative où la photographie n’intervient qu’à titre de témoignage d’une action, ou encore une démarche picturale qui réduit la photo au rang de simple matériau.

Bernd & Hilla Becher, 15 gazometres, Allemagne, 1982-1998

En 1959, Bernd et Hilla Becher entament un inventaire systématique du patrimoine industriel qui va les occuper pendant plus de 30 ans. Inspirés par la méthodologie des photographes allemands de la Nouvelle Objectivité, ils mettent en place un protocole rigoureux pour saisir leurs « sculptures anonymes » selon une vue frontale, sous un ciel neutre, avant de les assembler par grilles typologiques. Leur travail influencera la brillante école de Düsseldorf (Andreas Gursky, Thomas Ruff, Thomas Struth…)

LE RETOUR DE LA PICTURALITÉ

Préfigurée par le pop art et encouragée par l’apparition du numérique, la photographie de la fin du XXe siècle s’empare des codes publicitaires et les détourne dans de grands formats colorés. Alors que le public témoigne d’un intérêt nouveau pour la photographie, le médium évolue vers une perfection des formes. Les démarches artistiques sont variées, mais elles sollicitent plus que jamais l’interprétation du spectateur.

Gilbert & George, Class War, 1986
Gilbert et George associent photo-montage et diverses techniques picturales pour composer des tableaux kitschs et monumentaux, qu’ils qualifient de « pictures. » Convoquant une multitude de citations allégoriques et de codes visuels liés à l’Angleterre contemporaine, leur univers unique se veut anti-élitiste et accessible à tous… intellectuellement du moins ! (l’œuvre reproduite appartient au triptyque Class War, Militant, Gateway, 1986 exposé en 2015 à la fondation Louis Vuitton)

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