Techniques photographiques
argentique et numérique
La photographie argentique a été bouleversée par l’arrivée du numérique. Mais pas plus qu’il ne fera disparaître les livres ou les disques, le numérique ne remplacera jamais totalement la pellicule photo. L’œil est habitué à ses charmes stylistiques et le numérique ennuie parfois par son excès de précision.
Avec la mode vintage lancée par Instagram, le retour des Polaroïds et des Lomo autrichiens des années 80, nos contemporains prouvent leur attachement aux particularités de chaque procédé photographique.
Tour d’horizon des techniques les plus couramment employées, depuis la prise de vue jusqu’au tirage final.
Maher Attar, Cotton Rocks, Qatar / Courtesy Galerie Photo12
LA PRISE DE VUE
Le choix du sujet, de son cadrage et des réglages optiques sont le cœur de l’art photographique. Mais le choix du matériel n’est pas anodin.
La révolution numérique avance des arguments imparables en terme de résolution ou de captation en basse luminosité, mais les pellicules permettent des expérimentations et offrent une granulosité inimitable. Quant aux chambres photographiques, elles combinent les avantages des deux autres, mais sont plus contraignantes d’utilisation.
L’APPAREIL NUMÉRIQUE
Un capteur électronique traduit les informations lumineuses en code numérique. La taille du capteur combinée avec les caractéristiques optiques de l’appareil déterminent la qualité des prises de vue. Les réflexes numériques permettent de régler l’optique manuellement mais la plupart de ces appareils proposent des réglages automatisés avec des écrans pour une lecture immédiate.
L’APPAREIL ARGENTIQUE
L’utilisateur choisit une pellicule en noir et blanc ou en couleurs, de petit (35mm) ou moyen format et d’une sensibilité donnée (ISO). Ce film est couvert d’une émulsion à base de sels d’argent qui est impressionnée par la lumière lors de l’ouverture du diaphragme. Les films chromogènes superposent plusieurs couches d’émulsions colorées dotées chacune de grains de bromure d’argent.
LA CHAMBRE PHOTOGRAPHIQUE
Autrefois équipées de négatifs sur plaques de verre, les chambres utilisent maintenant des « plans film » de grand format (supérieur à 6×7 cm) souples et épais. Leur grande dimension offre une meilleure résolution qu’une pellicule de 35mm et permet des tirages contact (voir infra). Ce type d’appareil, lourd et encombrant, suppose toutefois certaines conditions de prise de vues.
Dans le domaine argentique :
- les appareils à développement instantané tels que les polaroïds offrent un mécanisme de tirage immédiat et automatique à l’intérieur du boîtier par un système de migration des sels entre le négatif et un papier récepteur ;
- moins courants que les films négatifs, les films « inversibles » impriment la lumière en positif et forment des diapositives qui peuvent ainsi être projetées ou faire l’objet de tirages particuliers (procédé Ilfochrome®).
Dans le domaine du numérique :
- on ne peut plus ignorer de nos jours l’importance des smartphones ou des appareils compacts qui offrent des qualités d’image très inégales, mais dont l’utilisation artistique reflète leurs usages sociaux ;
- les captures d’écrans informatiques sont également une source récurrente dans les démarches artistiques contemporaines.
LE TIRAGE
Le tirage consiste à transférer l’image photographiée sur un support physique.
Cette étape permet des passerelles entre numérique et argentique : on peut scanner ses films argentiques ou créer des négatifs à partir d’images numériques.
NB : il ne faut pas confondre le tirage et le développement. Le développement consiste à fixer chimiquement l’image de la pellicule sous forme de « négatif » pour la préparer au tirage. Opération technique sans véritable enjeu artistique, elle est souvent déléguée à des laboratoires spécialisés.
Exemple de technique hybride : Steve Sabella, 38 days of re-collection, 2014 / courtesy the artist
Image numérique transposée en négatif et tirée sur fragments de papier peint enduit d’émulsion photo-sensible
TIRAGE MANUEL
Le tirage consiste à projeter l’image du négatif à travers l’objectif d’un agrandisseur sur une feuille photosensible. Plusieurs variables influencent le résultat : le temps d’exposition (luminosité), les filtres (contraste), les masquages… La feuille passe ensuite dans un bain de « révélateur » puis un bain « d’arrêt » qui fixe le résultat, avant d’être lavée et séchée.
TIRAGE LAMBDA
Ce procédé de tirage argento-numérique permet de produire des tirages sur papier argentique à partir d’un fichier numérique (ou d’un négatif numérisé) : le papier photo est exposé aux faisceaux laser d’un agrandisseur numérique. Le tirage LightJet ® permet des tirages de très grandes dimensions et le Flatbed ® s’applique aux supports rigides.
TIRAGE PIGMENTAIRE
Autrement appelé fine art, ce tirage est réalisé par projection de micro-gouttelettes d’encre pigmentaire liquide d’après un fichier numérique. Il permet d’effectuer des tirages photographiques sur des supports jusqu’alors réservés aux arts graphiques (« pur coton », papiers Arche ou Canson par exemple) mais également sur des papiers barytés ou multicouches.
Le perfectionnement incontestable des outils de tirage numérique, le goût actuel pour les œuvres de grandes dimensions et la raréfaction de certains supports semblaient sonner le glas du tirage manuel. Les artistes sont toutefois encore nombreux à perpétuer le geste rituel du tirage en chambre noire.Un certain nombre de procédés « artisanaux » se maintiennent toujours grâce à l’excellence de leurs rendus :
- le tirage « charbon », procédé non-argentique duquel découle le fameux tirage « fresson » en couleur ;
- le « virage » permet d’obtenir des nuances inimitables en substituant aux sels d’argent des sels de métaux différents (or, sélénium, platine…) ;
- le tirage contact consiste à placer le papier directement au contact du négatif (de moyen ou grand format) au moment du tirage. L’épreuve est alors d’une qualité incomparable ;
- le tirage couleur Ilfochrome® (anciennement Cibachrome) d’après un positif « inversible » est un procédé de grande qualité qui travaille par destruction de colorant : initialement présents dans le papier sensible, les colorants sont détruits proportionnellement à la lumière reçue (ce procédé risque de disparaître après 2020)
- etc.
LES SUPPORTS
Dans le domaine du tirage argentique, les papiers sont recouverts d’une ou plusieurs couches d’émulsions sensibles à la lumière. Si la gamme s’est restreinte ces dernières années, il demeure encore de nombreuses options.
Dans le domaine des tirages numériques, l’impression est possible sur presque tous les types de supports.
La rencontre de la photographie et de la tapisserie :
Stephan Schenk, Kreuzweg, 2014 / courtesy Galerie m Bochum
PAPIER BARYTÉ
Ce papier argentique est constitué d’un support en fibres de cellulose, mais il tient son nom d’une couche d’enduit, à base de sulfate de baryum, qui donne aux blancs tout leur éclat. Délaissé pour les tirages en couleurs, il demeuren la référence incontournable pour les tirages noir et blanc.
Le marché propose encore une vaste gamme de dimensions, teinte, sensibilité, grain, aspect (plus ou moins lisse, mat ou brillant, etc.)
PAPIER RESIN-COATED
(ou papier « RC ») À la différence du précédent, l’émulsion multicouche est cette fois étendue sur une pellicule de matière plastique.
Le caractère étanche du support simplifie grandement le tirage, puisque seule l’émulsion est imprégnée par les produits chimiques (le lavage et le séchage s’en trouvent simplifiés). Le papier resin-coated conserve bien sa planitude dans le temps.
AUTRES SUPPORTS
Dans le cadre d’un tirage argentique, l’émulsion photosensible peut être appliquée sur plusieurs autres types de supports. Les plus stables sont les toiles et les supports métalliques.
Le tirage pigmentaire allie souvent une technologie d’encre avec un support adapté. C’est par exemple le cas de la Digigraphie® d’Epson qui associe des encres Ultrachrome avec des papiers homologués.
Des conditionnements de supports offrent des réponses innovantes aux défis posés par l’exposition et surtout la conservation des tirages photographiques réputés pour leur fragilité :- le diasec ® consiste à placer la photographie sous une plaque de plexiglas (commercialisé par Alrane Inventing AG);
- le dibond ® est un panneau composé d’un noyau de polyéthylène enserré entre deux fines couches d’aluminium laqué (commercialisé par 3A Composites)
- de nombreux verres anti-UV, des supports au PH neutre et des formules de marouflage artisanal permettent de remédier à moindre frais à ces enjeux de conservation
ENJEUX D’AUTHENTICITÉ
Deux notions permettent d’identifier l’originalité d’un tirage :
- tirage vintage : il s’agit d’un tirage « d’époque », c’est-à-dire réalisé à l’époque de la prise de vue et sous le contrôle du photographe lui-même ;
- retirage : il s’agit d’un tirage posthume, mais tiré par les ayants-droits de l’artiste, d’après le négatif original et sur le support prévu à l’origine.
Le tirage demande autant d’arbitrages artistiques que la prise de vue, il revient donc au photographe d’en présider les choix pour que ses photographies soient reconnues juridiquement comme des « œuvres originales ». Mais cela ne lui interdit pas de collaborer avec des tireurs professionnels. L’amateur peut se réjouir d’apprendre que l’artiste a réalisé son travail entièrement seul, mais il ne doit pas s’interdire d’acquérir des œuvres tirées en atelier, si elles sont bien signées et numérotées (dans la limite de 30 exemplaires, tout tirage et support confondu).