Tëmnye Allei Traduction & Notes : Jean-Luc Goester & François Laurent
Tristesse et mélancolie, certitude poignante du temps qui s'écoule et ne revient pas, voilà ce que m'a inspiré la lecture de ces nouvelles. Certes, ce sont des thèmes chers au coeur de la littérature russe mais il leur arrive normalement d'être tempérés par un sens de l'auto-dérision propre essentiellement aux Juifs, aux Slaves et ... (vous allez dire que j'exagère mais je suis sincère) aux Celtes. Chez Bounine, cela n'existe pas ou alors, cela demeure tellement à l'arrière-plan que ça passe inaperçu.
On sent bien des influences tchékhoviennes mais Bounine, lui, a connu la Révolution d'Octobre et l'exil. Son évocation de la Russie perdue se bâtit donc sur un fait : plus jamais rien ne sera pareil. Et nous savons qu'il a raison.
Plus je lisais, et plus je voyais en ces pages que je tournais des sortes de feuilles mortes, trahissant l'automne, puis la fin d'un monde. La nostalgie, ici, avait vraiment un goût doux-amer qui m'est demeuré longtemps en mémoire après avoir achevé ma lecture.
Bounine tenait "Les Allées Sombres" pour son meilleur ouvrage et peut-être n'avait-il pas tort. Tout est dépouillé, aucun détail n'est superflu, les caractères sont suffisamment esquissés sans perdre pour autant une certaine part de mystère, les intrigues ressemblent souvent à des murmures qui, là encore, rappellent les fantômes des disparus.
Bref, un grand livre. Mais, paradoxalement, on ne prend conscience de sa grandeur qu'après l'avoir lu et digéré. C'est assez rare : il faut le souligner.
(Du coup, je suis tentée par "Le Village", du même auteur.) ;o)