The Eyre Affair Traduction : Roxane Azimi
Avant de commencer, j'ai creusé mes tranchées et vérifié mes paratonnerres. Il le fallait, vu l'engouement suscité d'ordinaire par ce livre ... qui m'a laissée de marbre. ;o<
Pourtant, au départ, il avait tout pour me plaire. L'action se déroule dans un monde où la littérature est traitée avec le plus grand respect, le niveau culturel est particulièrement élevé, les personnages des livres peuvent en sortir ou se voir enlevés de leurs pages bien-aimées par de sinistres individus qui rappellent beaucoup les "maîtres du Mal" chers au roman populaire, des brigades policières s'occupent personnellement de tout ce qui risque de nuire aux livres et à leurs univers, de surcroît, Fforde a choisi le vaste champ de l'uchronie pour faire évoluer son intrigue. Ajoutez à cela qu'on y croise vampires et loups-garous, donc : beaucoup de plaisir en perspective.
Ben oui, mais ça n'a pas accroché.
Tout d'abord, j'ai trouvé l'héroïne, Thursday Next, d'une froideur et d'un sérieux insupportables. D'accord, elle a fait la guerre de Crimée - dans ce monde particulier, ce conflit dure depuis plus d'un siècle et il y a encore un tsar en Russie - elle y a perdu son frère et ses amis mais ... Impossible de compatir.
Les autres personnages sont du même tonneau: on dirait des poupées vides. Le seul qui pourrait tirer son épingle du jeu, c'est le père de Thursday qui est en bisbille avec les Brigades temporelles et qui apparaît et disparaît avec une rapidité et une désinvolture qui rappellent la famille de sorciers de Samantha dans la célèbre série télévisée. C'est d'ailleurs là que le bât blesse car Fforde abuse de cet aspect "entrevues-éclair."
Le Méchant, Achéron Styx, a, comme vous pouvez vous en rendre compte, un nom prometteur. Mais c'est une caricature, qui pis est sans profondeur.
Bref, Jasper Fforde a pris un sacré nombre d'ingrédients pour monter sa mayonnaise. Mais, en tout, l'excès est nuisible et il a oublié qu'il faut une grande maîtrise pour manier autant d'éléments. L'écrivain a beaucoup d'imagination mais tout reste plat, désespérément plat - et le style sec de l'ensemble n'arrange rien.
Mon reproche principal portera sur l'humour*. Il fait désespérément défaut à l'ouvrage. Ce qui est d'autant plus malheureux qu'il aurait pu faire passer beaucoup de choses, et sans doute effacé tout ce que les personnages ont de guindé. Thursday ne se lâche jamais, ses compères non plus, ce mélange de policier et de conte fantastique assaisonné de S.F. a tout du tigre de papier.
Et, bien entendu, on ne peut s'empêcher de songer à ce que Terry Pratchett a fait avec son Disque-Monde. Car c'est bien le même principe. Mais chez Fforde, tout est brouillon et lourd tandis que Pratchett, royal, s'envole. ;o)
- : j'ai lu çà et là, dans les blogs, que d'autres avaient beaucoup ri ... Comme quoi ... De toutes façons, il faut de tout pour faire un monde. ;o)