Certains y prennent plaisir.
Quatre mots, pas un de plus. Même maintenant, passé les quelques mois qui auraient dû la réconcilier avec les retombées de ce commentaire, Ruth n’en finissait pas de s’étonner du pouvoir des quatre petits mots qu’elle avait prononcés sans réfléchir, sans penser qu’elle franchissait la ligne rouge.
Il n’est pas des plus évident de décrire ce livre : il y a beaucoup de personnages secondaires qui mériteraient d’être cités et de nombreuses intrigues sous-jacentes. Mais le nœud du roman, que l’auteur a su pleinement saisir et mettre en mot, c’est cette dualité typique des États-Unis : d’un côté, la religion chrétienne omniprésente qui a des adeptes assidus, qui a une vraie parole publique, qui est entendue et prise en compte, et de l’autre les excès en tout genre, la volonté de profiter de la vie quoiqu’il en coûte. Et notre conscience qui est balancée entre ces deux extrêmes. (Et encore, j’oublie de parler du travail, de la famille, des histoires d’amour, d’amitié, d’orgueil, de concurrence.)
Ce livre est l’histoire d’une rencontre peu banale qui créé des frictions mais met aussi en contact quelques atomes crochus. Bref, tout un programme. Il est sûr que Professeur d’abstinence n’est pas le roman du siècle. Toutefois, c’est drôle, incisif, sans détour ni langue de bois mais avec tout de même une note d’espoir. Il sonne comme un avertissement contre certaines dérives et contre nos propres doutes et hésitations aussi. On ne peut pas nier que l’auteur a un regard très observateur et critique sur la société où il vit, et il nous transmet cela à travers un roman divertissant, intéressant, prenant. Ça pourrait peut-être vous intéresser, qui sait ?
Tom Perrotta, Professeur d’abstinence, aux éditions de l’Olivier, traduit de l’anglais (États-Unis) par Madeleine Nasalik, 22€30. Existe aussi en poche.