Marine Le Pen I Photo ©NICOLAS MESSYASZ/SIPA
À 18 mois des élections présidentielles, le FN arrive en tête dans 6 régions françaises et dépasse les 40% des voix dans deux régions : le Nord-Pas-de-Calais-Picardie où s’est présentée Marine le Pen, et la région Provence-Alpes Côte d’Azur avec à sa tête la jeune Marion Maréchal Le Pen.
Un pays traumatisé par les attentats - Dans une France encore traumatisée depuis le 13 novembre et toujours marquée par un chômage de masse, le parti de Marine Le Pen a capté environ 28% des suffrages, se revendiquant pompeusement "premier parti de France", devançant Les Républicains (27%) et le PS (23,5%), selon les dernières estimations du ministère de l'Intérieur. Les listes FN, qui ont battu les précédents records des européennes et départementales, arrivent en tête dans six des 13 nouvelles régions : Nord-Pas-de-Calais-Picardie, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, Bourgogne-Franche-Comté, Centre. En dépassant les 6 millions de voix, elles s'approchent du record de Marine Le Pen (6,4 millions de voix à la présidentielle de 2012). Chez nos confrères, ce lundi, "Le choc est brutal" pour Guillaume Goubert de La Croix. La Voix du Nord, quotidien régional qui a pris position contre le parti de Marine Le Pen avant le premier tour, ne peut que constater que "la vague FN ne faiblit pas" et que le vote des électeurs est passé "de la protestation à l'adhésion", écrit Jean-Michel Bretonnier. Appelant à un "barrage républicain", le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis a annoncé un retrait de ses listes en NPDC-Picardie et PACA, synonyme de "sacrifice" pour les socialistes qui ne siégeront pas dans ces régions durant près de six ans. Du côté des élus et militants, certains évoque, de fait, une décision "douloureuse", notamment en PACA. Un peu tard pour pleurnicher. "On a été jusqu'au maximum", a souligné un responsable du parti, sans certitude sur la réaction des votants: "qui vous dit que l'électorat de droite ne va pas filer vers le Front national?" La liesse au QG de Marine Le Pen à Hénin-Beaumont a contrasté avec la consternation au PS, où l'on se désolait pour "cette belle région ouvrière qui mérite mieux que ça", et la déception chez les Républicains. Loin de la vague "bleue" espérée chez Les Républicains, l'alliance LR-UDI-MoDem est ressortie en tête dans seulement quatre régions (Pays de la Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Ile-de-France, Normandie de très peu). Quant au PS, il se classait premier en Bretagne, emmené par un Jean-Yves Le Drian qui restera quoi qu'il arrive ministre de la Défense, ainsi qu'en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, derrière Alain Rousset. Face à ce vote massif nationaliste, interprété par les ténors Republicains comme la traduction d'une "colère" envers le gouvernement et d'une "peur", Nicolas Sarkozy s'est livré à un réquisitoire contre l'exécutif et a refusé "toute fusion et tout retrait" pour contrer l'extrême droite au second tour, dans les régions où la droite est troisième. La tête de liste Les Républicains en Midi-Pyrénées/Languedoc-Roussillon, Dominique Reynié, n'a pas tardé à annoncer son maintien alors qu'il est distancé par la socialiste Carole Delga, elle-même deuxième derrière le FN Louis Aliot."Bipolarisation morte" - Une stratégie aussitôt critiquée au PS, qui a jugé l'ex-chef de l'État de ne "pas être en position de fanfaronner". "Le message de la droite fait preuve d'une grande irresponsabilité", estime-t'on dans l'entourage de Manuel Valls, qui s'exprimera ce soir sur TF1. Dans deux régions où le score FN dépasse les 40%, les têtes de liste Les Républicains tels Xavier Bertrand et Christian Estrosi, qui ont réalisé des campagnes très marquées à droite, ont lancé des appels du pied aux électeurs de gauche. Faisant entendre leur différence, les centristes, eux, par la voix du président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde, ont appelé au "retrait des listes en troisième position", "partout où le FN peut gagner". Le président du MoDem, François Bayrou, réclame aussi un "ressaisissement démocratique". Le pays fait face à une première dans une élection intermédiaire, avec un "double vote sanction" pour l'exécutif -dont c'est la 4ème défaite-, mais aussi pour la droite, remarque Frédéric Dabi, directeur adjoint de l'Ifop. "Le grand chelem pour la droite, c'est fini", et "la bipolarisation est morte"
Séisme sans précédent - "C'est un énorme séisme, une grande vague qui n'arrête pas de grossir, il se confirme que le FN sera au second tour de la présidentielle. La question, c'est désormais comment faire pour être sur la deuxième marche du podium", s'inquiète un conseiller ministériel. Le spectaculaire sursaut de popularité de François Hollande au lendemain des attentats ne s'est pas traduit du tout dans les urnes hier soir. Certaines voix socialistes ont toutefois insisté sur la "bonne résistance" de leur parti et espère conserver la symbolique présidence de l’Île-de-France, avec Claude Bartolone. À la gauche du PS, les écologistes de toutes tendances se sont accordés pour demander "un rassemblement de la gauche", sur la même ligne que le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent. Toutefois certain(e)s s'élèvent, comme l'ancienne ministre EELV Cécile Duflot, en clamant qu'il y avait eu déjà un "certain nombre d'avertissements" de la part des votants lors des derniers rendez-vous électoraux et que ce score FN "est une punition". Les Républicains ont tenu un bureau politique exceptionnel en fin de matinée, aujoud'hui. Quasi-unanimes, tous se sont prononcés pour la ligne défendue par Nicolas Sarkozy. Dès hier soir, le president Les Républicains a affirmé qu'il refusait tout retrait ou fusion de liste, y compris dans les régions où le FN est placé pour l'emporter. "Non à je ne sais quel arrangement tactique", a martelé l'ancien président de la République. Alain Juppé et François Fillon ont approuvé la position de l'ancien chef de l'Etat. "On ne change pas de stratégie au milieu du gué", a notamment affirmé François Fillon. "La fusion ou le retrait n'est pas à la mesure de la gravité de la situation politique. C'est lutter contre la mer qui monte avec des sacs de sables". Seuls NKM et Jean-Pierre Raffarin se sont prononcés contre cette ligne du "ni-ni". Ce matin, quelques heures avant le bureau politique, l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a ainsi affirmé sur France Inter que, "quand on est troisième on se retire". Dans tout les cas, le taux d’abstention pour ce premier tour reste une nouvelle fois considérable : un électeur sur deux n'est pas allé voter. “La civilisation démocratique est entièrement fondée sur l'exactitude de l'information. Si le citoyen n'est pas correctement informé, le vote ne veut rien dire” - Jean-François Revel. FG