Hasard du calendrier, après avoir assisté à Nice à la représentation de La traviata, nous avons pu profiter du ballet de John Neumeier également inspiré du roman autobiographique d’Alexandre Dumas fils. La dame aux camélias présentée au Bolchoï sur la musique de Chopin, en direct de Moscou est certainement le plus beau ballet que l’illustre institution nous a présenté au cinéma jusqu’à présent.
Armand Duval (Edvin Revazov), un jeune bourgeois, s’éprend d’une courtisane de la capitale, Marguerite Gautier (Svetlana Zakharova que l’on a également vue dans Le lac des cygnes). Alors qu’ils filent un parfait amour, le père de ce dernier, Monsieur Duval (Andrei Merkuriev) vient la convaincre de l’abandonner pour sauver l’honneur de sa famille. Par amour, la pauvre fille accepte.
Reprenant quasiment la même trame que La traviata, la découverte de ce ballet ne sera pas une surprise pour les aficionados d’opéra et les amateurs de musique classique. Si Neumeier eut, un temps, envisagé de créer son ballet en reprenant la musique de Verdi, il fut inspiré de lui donner Chopin comme inspiration. Par là, il a créé une œuvre singulière et nouvelle. Devant substituer le geste à la parole, il s’agit pour le chorégraphe de sublimer chaque mouvement, de lui donner un sens. En cela, La dame aux camélias est un chef d’œuvre de sensualité qui a grandement bénéficié d’un décor fantastique, en perpétuel changement pendant la représentation et dont les quelques éléments marque l’époque avec efficacité et charme. C’est le travail sur les lumières qui, en contraste avec les costumes, met en valeur les artistes. Toujours en deux tons bien nets, ils se complètent parfaitement.
L’idylle entre Armand et Marguerite est encore plus poussée que dans La traviata. Ici, les corps sont vraiment là pour faire parler la passion amoureuse. Chaque portée, chaque petit pas, chaque pirouette doit raconter à la fois une histoire et sublimer un sentiment. Notons d’ailleurs que l’expression des visages est tout aussi primordial et que l’avantage du cinéma est certainement la réalisation qui permet de le vivre comme si l’on était aux premiers rangs. Faisant évidemment la part belle au piano, le premier acte étant une reprise de son deuxième concerto par exemple, La dame aux camélias déroule une partition charnelle et voluptueuse en accord avec les tendres caresses des deux tourtereaux. La douce rengaine des notes envolées nous pousse avec eux dans le plaisir de l’instant et évoque avec justesse la tendresse qui les habitent. Lorsque vient le temps du drame, hautement lié à la stupide tradition bourgeoise de l’entre-soi comme nous l’évoquions pour La traviata, les notes se font plus graves et donnent toute la mesure de l’absurde ironie et du désespoir des amants que l’on sépare.
Dans une nouvelle production de haut vol que seul le Bolchoï de Moscou peut offrir, nous ne pouvons que vous conseiller d’assister au moins une fois dans votre vie à se drame émouvant et intemporelle qu’est La dame aux camélias mis en scène par Neumeier. De bout en bout, les frissons de joie et l’étreinte de la tristesse n’ont cesser de nous pourchassés et nous ne pourront qu’en garder un souvenir ému.
Boeringer Rémy
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