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Le plus emblématique de ces eldorados est la Chine dont la croissance du PIB diminue depuis la crise des subprimes de 2007 et devrait se stabiliser à 6% dès 2017 selon le FMI. En rééquilibrant son modèle vers une production à haute valeur ajoutée et en développant son marché intérieur afin de relancer la croissance, la Chine devrait cependant détrôner les États-Unis comme première puissance économique mondiale dans la prochaine décennie.
Le système de création de richesse doit continuellement s’adapter afin de garantir la croissance. Quand il faut construire des autoroutes, des usines et que les salaires sont bas, le PIB d’un pays peut croître de manière exponentielle pendant un court instant. C’est alors toute une société qui se modifie avec un exode rural vers les lieux de production. Ce fût le cas quand le textile occidental s’est délocalisé en Chine à la fin des années '80. À défaut d’adaptation, la croissance stagne. Le coût du travail augmente avec l’enrichissement du pays: les classes moyennes demandent une justice sociale, la considération écologique impose une inflation législative qui complique le rendement productif, surtout quand d’autres pays compétitifs n’ont pas les mêmes normes. La production des biens de consommation quitte alors le pays et c’est ce qu’il s’est passé en France dans les années 1970.
Le modèle économique actuel de la Chine est principalement basé sur l’exportation de biens à faible valeur ajoutée et d’investissement d’infrastructure financés par des plans de relance et de l’endettement. Ce modèle n’est pas pérenne: l’activité manufacturière et les carnets de commande se rétractent selon la demande des pays importateurs, du prix des matières premières, du taux de change, des barrières douanières et de la concurrence des "tigres asiatiques" que sont l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam. Plus que jamais, la production qui ne s’exportent plus doit être consommée sur place.
Avec 36% du PIB consommé par les ménages chinois en 2014 contre une part de plus de 50% dans la majorité des autres pays, la marge de croissance du marché intérieure est très importante: c’est le "rêve chinois", slogan politique d’une société forte et indépendante de l’Occident lancée par Xi Jinping, président de la république populaire depuis 2013.
Sous l’impulsion du gouvernement, le modèle économique chinois tente de s’adapter de manière à ce que la croissance s’appuie davantage sur l’exportation de biens et de services à haute valeur ajouté ainsi que sur la consommation au sein d’un marché intérieur élargi, un peu comme en Occident. Il est raisonnable de penser que c’est dans cette perspective d’ajustement que le gouvernement a augmenté le salaire minimum et que la fameuse politique publique de l’enfant unique mise en œuvre par la Chine depuis 79 a été assouplie en 2015 par une décision historique permettant aux couples d’avoir un deuxième enfant. Un taux de natalité supérieur à 2 permettrait d’augmenter la consommation intérieure: un bébé n’est-t-il pas un futur consommateur?
Avec cette année une croissance de 6,9% et une dette souveraine à 43,5% du PIB, principalement intérieure et libellée en monnaie nationale, la récession et le risque de surendettement sont encore loin. L'opacité du mode de calcul du PIB officiel et le manque de confiance des analystes privés dans les statistiques économiques fournies par le PCC (Parti Communiste chinois) ne permettent pas de mesurer l’importance réelle du ralentissement économique. L’épargne des classes moyennes chinoises a massivement été investi dans le foncier ce qui a entretenu une bulle immobilière qui serait sous-contrôle. Comme en Espagne pendant les années 2000, des villes fantômes se sont construites qui ne trouvent pas d’acquéreurs.
L’investissement à découvert est encouragé dès 2014: il permet aux épargnants d’emprunter bien plus que leur capital pour investir avec un effet de levier dans l’économie réelle. La richesse engendrée par cette bulle spéculative doit relancer la croissance du marché intérieur. Les fonds soutiennent l’immobilier, les infrastructures et les entreprises. La reprise se fait attendre alors que de novembre 2014 à juin 2015, l’indice de Shanghai augmente de 110%. La Bourse est contrôlée par le régime qui détient 60% des titres alors que les épargnants individuels n’en possèdent que 25%. La volatilité boursière de l’été 2015 est inhérente au rééquilibrage de modèle économique: des corrections se font sentir et les investisseurs cherchent à récupérer leurs investissements. Devant le risque de perte de contrôle de la bulle, l’État intervient massivement et suspend la cotation des titres variant de plus ou moins 5%. L’État arrête son intervention fin août et tente de relancer l’économie en dévaluant le yuan - la monnaie nationale - afin de relancer les exportations.
"La conjoncture en Chine est très difficile depuis 3 ans. Face au ralentissement, le gouvernement via la banque centrale a diminué très fortement ses taux et les réserves obligatoires, sans résultats. C'était pourtant une politique risquée, puisque la relance de l'économie par les dépenses d'investissement et le crédit après la crise de 2008 a provoqué un endettement record en nourrissant la bulle immobilière et une corruption de grande envergure (cf. notamment le procès du ministre des chemins de fer). Dans ce contexte, le gouvernement a tenté un coup audacieux: créer un effet de richesse, afin de relancer la consommation à court terme. L'injection de la monnaie étant difficile par le canal du crédit, Pékin a choisi une injection via la bourse. Sur le papier, le système monétaire et financier était sous le contrôle direct ou indirect du PCC. Il s'agissait donc à court terme de relancer la demande. Les autorités avaient surement un objectif de niveau pour stabiliser les cours en évaluant l'effet de richesse sur la consommation. Cette mesure s'inscrivait dans la politique de développement à moyen terme du marché intérieur. Pour la petite histoire, de nombreux experts ont pointé "l'amateurisme" de Pékin, mais l'effet de richesse de la bulle sur la consommation est "prouvé scientifiquement" dans le modèle mathématique de Jean Tirole en 1985" (prix Nobel d’économie 2014 NDLR).