Les changements systémiques ne sont pas prévisibles

Publié le 06 décembre 2015 par Christophefaurie
Il y a quelques temps Hervé Kabla s'est demandé comment Stefan Zweig a pu ne pas voir arriver la guerre de 14. L'année dernière, j'ai ramassé quelques prévisions pour 2015. (Bertrand Chokrane, The Economist, notre gouvernement.) Toutes fausses. Pourquoi ? 
Parce qu'elles prévoient que les forces qui façonneront l'avenir, à quelque-chose près, seront celles qui agissent aujourd'hui. L'Allemagne ira plus ou moins bien. La France ou la Grèce seront plus ou moins ridicules... (Quant à notre gouvernement, c'est une pendule arrêtée : il prévoit le redressement depuis 4 ans.) Mais rien en ce qui concerne les "black swans", qui font trembler la planète : le terrorisme ou même, modestement, VW. 
Même là où l'on voit quelque-chose, quelles vont en être les conséquences ? Les USA sont désormais autonomes énergétiquement, ils vont lâcher l'Arabie Saoudite, mère de bien des terrorismes, qu'est-ce que cela va donner ? Quel va être l'action d'un Iran libéré ? Plus généralement, après avoir tenté, une nouvelle fois, de convertir la planète au Bien, les USA vont-ils la laisser au chaos et se replier sur leur île ? D'ailleurs, que pourrait donner un Donald Trump, ou équivalent, en maître de l'univers ? Des référendums s'annoncent un peu partout, vont-ils faire basculer le monde dans l'inconnu ?...
Paul Veyne pense qu'il n'a tenu à rien, aux caprices de l'histoire, que notre monde devienne chrétien...
Voilà pourquoi les prévisions ne peuvent se faire qu'a posteriori. Le déclenchement de forces de changement mondiales dépendent de facteurs infimes. Et, en plus, il y a des phénomènes combinatoires : un changement en cache un autre, et ainsi de suite.
(Même en 14. Zweig explique que le grand duc, dont l'assassinat est à l'origine de la guerre, était universellement haï. Peu de gens voyaient en quoi sa mort pouvait constituer un casus belli. Mais il y avait quelque-part des intérêts qui en ont décidé autrement. Probablement l'incapacité humaine à la prospective a été pour beaucoup dans leur choix suicidaire.)