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Fronts militaire, écologique ou politique, François Hollande est partout. Une stratégie d'occupation du temps et de l'espace politiques qui ne doit rien au hasard, mais n'empêchera pas la débâcle dimanche. L'état de crise depuis les attentats du 13 novembre re-présidentialise le régime, au risque d'étouffer le débat politique, ... et de démotiver davantage les citoyens.
Le front de l'urgence
Lundi, Hollande avait à réagir aux troubles du weekend. Dimanche, il y avait pourtant une belle chaîne humaine à Paris, pour célébrer la COP21 et insister sur les enjeux. Près de 10.000 personnes. Sur la place de la République, ça dérape. Des casseurs masqués, des militants bousculés. Quelques esprits de la gauche folle accusent les CRS. Quelques éditocrates du microcosme accusent les écologistes. La réalité est tristement plus simple que ces caricatures: des CRS abîment de leurs bottes les bougies et les fleurs posées en hommage aux victimes du 13 novembre. D'autres témoins notent comment des individus masqués jettent des bougies sur les forces de l'ordre. Cécile Duflot et Emmanuelle Cosse récusent tout amalgame entre casseurs et manifestants. La police ne fait pas dans le détail. Plus de 300 interpellations, en vrac. La bêtise d'un état d'urgence, contre la bêtise d'une révolte prématurée ?
Bernard Cazeneuve, le ministre de l'intérieur, se défend: "Aucun amalgame ne saurait être fait entre des manifestants de bonne foi et ces groupes qui n'ont toujours eu qu'un seul dessein : profiter de rassemblements responsables et légitimes pour commettre des violences inacceptables". François Hollande réagit aussi dès dimanche, il ne fustige pas les manifestants mais les "éléments perturbateurs".
COP21 oblige, Hollande a pourtant supprimé tous les droits à manifester. La COP21 bloque Paris deux jours durant, puis amuse la galerie médiatique.
Dimanche, des cohortes de limousines défilent au Bourget, dans le Nord de Paris, défilent devant François Hollande, puis Manuel Valls, puis Harlem Désir (sic!). Il faut accueillir des dizaines de chefs d'Etat. Le Bourget a ouvert un salon avec des centaines de stands, par ailleurs souvent désertés de tout public. Mais dans les salons officiels, ça négocie des réductions de pollutions pour quelques dixièmes de degrés pour le climat. Dans son discours inaugural, Hollande fixe trois objectifs: "définir une trajectoire crédible pour maintenir le réchauffement entre 1,5° et 2 ° Celsius", négocier un accord "universel différencié et contraignant", et "introduire un prix du carbone pour, notamment que les choix d'investissements soient peu à peu modifiés".
Le gouvernement attend un "brouillon" d'accord pour samedi. Les négociations pour le climat sont complexes, aucun consensus ne se dégage sur le financement des efforts. Pascal Canfin, ancien ministre écolo du gouvernement Ayrault, sonne l'alerte: la fameuse taxe sur les transactions financières si longtemps retardée devrait être discutée/votée ce 8 décembre à Bruxelles.
Personne, à l'exception de quelques "climato-retardés", ne nie l'urgence écologique. Comme un signal envoyé aux négociateurs, Pékin se trouve coincée sous une chape de pollution atmosphérique hors normes toute la semaine.
Le front politique
Mercredi, Nicolas Sarkozy est sur Europe 1, et il dérape, encore. Comment cet homme peut-il encore disposer de soutiens ? Hollande peut mentir sur le futur. Sarkozy ment sur le passé. Il réécrit l'histoire devant des journalistes silencieux. Ainsi sur l'affaire Bygmalion, la plus grosse fraude aux règles de financement électoral que la Vème République ait connue, Sarkozy nie tout, même ce que ses propres proches de campagne ont fini par avouer: "J’ai indiqué que s’agissant de la campagne présidentielle de 2012, qui a été contrôlée, il n’y’ a pas eu de débordement des comptes de campagne."
Ce mercredi, Sarkozy choque aussi jusqu'aux familles des victimes du terroriste Merah. Il balance qu'il n'y a jamais eu d'attentats quand il était en charge de la sécurité des Français entre 2002 et 2011. Il s'arrête à 2011, c'est bien aimable. Mais qui a oublié Mohamed Merah en pleine campagne électorale de 2012 qui assassina trois militaires, trois enfants et un enseignant ?
Jeudi, Bernard Tapie est ruiné. "Ruiné de chez ruiné" se lamente-t-il dans les colonnes du Monde. La Cour d'appel de Paris l'a condamné à rembourser les 404 millions d'euros qu'il avait perçus après l'arbitrage de son litige avec le Crédit Lyonnais. L'homme "d'affaires" a fait placer l'une de ses sociétés sous sauvegarde judiciaire.
L'affaire toute entière n'a pas fini de livrer ses secrets. Des proches de l'ancien monarque sont sous enquête, d'autres sous anti-dépresseurs. A l'Elysée, on peut savourer. L'arbitrage frauduleux a pu être annulé parce que suite à la révélation de fraudes et de complicités au sommet de l'Etat sarkozyste, la justice s'est saisi de l'affaire après mai 2012.
D'autres instructions sont encore en cours: le cénacle sarkozyste est assiégé. Mis en examen pour « corruption active », « trafic d’influence actif » et « recel de violation du secret professionnel » dans l'un des volets connexes de l'affaire Bettencourt, Sarkozy a déposé une demande récusation de l'une des juges qui enquêtent sur lui. Attaquer la justice est le propre des faibles.
Semaine après semaine, Nicolas Sarkozy se révèle le plus formidable atout de François Hollande pour la présidentielle de 2017: un opposant encombré de casseroles judiciaires, auto-destructeur et agité, qui suscite rapidement et partout un rejet sur sa propre personne. Pour cette campagne régionale, l'ancien monarque n'est pas le bienvenu partout. En Ile-de-France, Valérie Pécresse, tête de liste #LR ne veut pas de Sarko en meeting commun.
Le front militaire
Attentats dans le monde, état d'urgence en France, traque des terroristes et renforcement de l'espionnage en Europe, et frappes aériennes au Moyen Orient. Qui peut nier que nous sommes en guerre ?
En France, le projet de révision constitutionnelle sur l'état d'urgence est dévoilé ... par la presse. On y retrouve cette sombre idée de déchéance de nationalité pour les binationaux accusés de terrorisme. Une idée sans aucune efficacité (qui peut penser qu'un terroriste sera dissuadé ou affecté par une telle mesure ?), mais surtout profondément honteuse. Une mesure qui évoque le régime de Vichy, lequel régime a dénaturalisé quelque 15.000 Français pendant la Guerre pour d'autres prétextes que le terrorisme.
L'actuel régime d'exception s'accompagne de belles bavures, mais aussi de grosses hypocrisies. On entend ainsi Dominique de Villepin, devenu avocat d'affaires et conseiller du Qatar, réclamer la fin de l'état d'urgence. D'autres ne supportent pas qu'on accuse Internet d'avoir facilité l'expansion de Daech.
Aux Etats-Unis, mercredi, une attaque frappe un centre d'aide sociale en Californie, à San Bernardino. Quatorze civils sont tués par deux assaillants finalement abattus par la police tués, un couple marié dont la femme, quelques minutes avant l'attaque, poste sur Facebook son allégeance à Daech. Dans le bâtiment, on retrouve de multiples bombes qui n'ont pas explosé.
La guerre contre Daech s'intensifie. Jeudi, la Chambre des communes autorise le gouvernement Cameron à s'engager militairement. Quelques heures plus tard, des avions britanniques effectuent leurs premières frappes en Syrie. A Bruxelles, les gouvernements de l’Union européenne se sont accordés pour plafonner à 6 mois la durée de conservation des données personnelles et de transport des voyageurs au sein de l'UE comme le demandait une majorité du Parlement européen. Cet accord permet la mise en oeuvre prochaine du "PNR" (Passenger Name Record).
La France est à court de bombes. Ne riez pas. Ne pleurez pas. Il a fallu quelques raids quotidiens sur la Syrie et l'Irak depuis 3 semaines pour épuiser les réserves. L'Etat commande des munitions en urgence.
La France est en guerre, et Hollande en campagne... électorale. Cela ne vous rappelle rien ? Un débat des plus ridicules s'en suit sur le regain de popularité du président de la République. Pour la première fois depuis 3 ans et demi, le président recouvrait plus de 50% d'opinions favorables. Des sondeurs ont choisi de commercialiser une enquête sur pareil sujet en pareille circonstances. Ce n'est pas nouveau, c'est juste indécent. Des soutiens du président s'en sont félicités. Comment peuvent-ils croire qu'il s'agit d'un blanc-seing sondagier sur son action tout entière ? Des opposants au président se sont indignés. Pourquoi sont-il aigris qu'un (maigre) réflexe d'union nationale ait pu se consolider sur la personne de Hollande ?
CQFD: les élites médiatico-politiques de ce pays sont en vrac.
Vendredi, Hollande déboule sur le porte-avions "Charles de Gaulle" pour le plus grand plaisir des soldats présents. "C'était une première" s'agace le Figaro: "un président de la République sur le porte-avions Charles de Gaulle en opérations." On a connu le Figaro plus conciliant avec les manipulations de l'agenda présidentiel pour des raisons électorales entre 2010-2012.
Le Front national
La campagne des élections régionales se termine. Une campagne bâclée, illisible et bousculée par les attentats. La fusion en 13 super-régions a rendu difficile le débat sur les bilans des exécutifs précédents. Les alliances politiques varient d'une région à l'autre, rendant illisible toute campagne nationale. Seules la droite et l'extrême droite restent unies. La gauche molle est tétanisée - les socialistes "vocalisent" sur la gauche en gouvernant à droite. La "vrauche" se divise parce que le PCF a voté l'extension de l'état d'urgence il y a 10 jours; les écologistes se disputent de savoir s'il faut participer au gouvernement. "Qu'est-ce peut mobiliser les électeurs de gauche", s'alarme l'Huma. On ne sait plus.
Le FN avance victorieux. Et les syndicats appellent à faire barrage.
"Si jamais madame Le Pen est présidente dans ma région, le lendemain, c'est la gueule de bois. Il n'y a pas un chef d'entreprise qui reviendrait là". Martine Aubry, 3 décembre 2015.Le Front national devrait sortir vainqueur, au moins en pourcentage et en nombre de suffrages, dimanche soir. L'Immonde gagne par K-O. L'abstention s'annonce massive, surtout chez les jeunes. Pourtant, les nouvelles treize super-Régions ont des compétences essentielles en matière de transports, d'éducation (fonctionnement des lycées, restauration scolaire, bourses aux étudiants), de formation, d'environnement, ou de culture.
Dans le Nord, deux quotidiens régionaux s'inquiètent d'une victoire du Front national. Marine Le Pen prédit la victoire de la charia si le FN échoue à gagner le scrutin. La bêtise n'a pas de limite. Il faut mobiliser l'électorat âgé et craintif. L'extrême droite reste dans l'outrance. Dans le Sud, Marion Maréchal-Le Pen et Louis Aliot promettent la suppression des aides régionales au Planning familial. Ces gens-là savent comment mobiliser leurs troupes jusqu'au bout. Et tout est possible: "Voter Louis (Aliot), c'est dire non à ceux qui bafouent notre histoire, c'est affirmer qu'il y a un lien entre l'immigration de masse, l'islamisme radical et le terrorisme" explique sa compagne Marine à Nîmes jeudi soir.
Mme Le Pen a fait campagne sur l'islamisme, la politique internationale et les relents xénophobes. Rien sur les régions, sauf détruire les quelques symboles d'une action sociale et progressiste. Elle préfère raconter n'importe quoi, encore et toujours.
Le programme économique frontiste est si nul qu'il vaut mieux le cacher, n'est-ce pas ?
Même Pierre Gattaz s'en est rendu compte. Le patron du Medef a fait quelque chose de simple: il a enfin fustigé le programme économique du FN. Les patrons séduits par le FN seraient de plus en plus nombreux.
L'économie est bien le front oublié de cette récente séquence.
L'incroyable progression du chômage le mois dernier a été à peine commentée. La loi de finances enfin adoptée aurait pu être l'occasion de faire les (mauvais) comptes de cette inénarrable politique de l'offre, des 40 milliards de réductions de charges des entreprises payées par autant de hausse d'impôts pour les ménages.
Il n'en fut rien.
Même nos vrauchistes préférés sont tombés dans le panneau de "l'état d'urgence". Ils se sont engouffrés dans des polémiques caricaturales sur "l'état policier" ou "terroriste", la "police politique", "Etat terroriste", à contre-courant d'une opinion majoritaire déboussolée par les attentats qu'il aurait fallu re-mobiliser sur d'autres sujets socio-économiques.
L'on me dit qu'il reste encore quelques musulman(e)s dont les domiciles n'ont pas été brutalement perquisitionnés? — Sébastien Fontenelle (@vivelefeu) December 5, 2015
Dimanche 5 décembre, il faudra voter, pour ou contre.
Voter n'est-il pas la première caractéristique du citoyen ?