« Calvin – Je me sens mal de m’être moqué de Susie et de l’avoir blessée. J’aurais pas dû.
Hobbes – Tu pourrais peut-être t’excuser.
Calvin – J’aurais préféré une solution un peu moins radicale. »
Au menu de ce tome, il y a bien évidemment Calvin et Hobbes qui transforment n’importe quel endroit en terrain de jeu, mais il y a aussi les gags récurrents concernant les tactiques de Calvin pour éviter de prendre son bain ou d’aller à l’école… surtout quand il doit aller au tableau avec un pantalon troué qui dévoile son caleçon avec des petites fusées. De plus, ses notes ne sont pas fantastiques… l’obligeant même à jouer à l’amnésique vis-à-vis de ses parents quand il oublie de faire ses devoirs.
Mais bon, il lui arrive parfois de faire des efforts à l’école, comme se faire beau et essayer une nouvelle coupe de cheveux le jour de la photo d’école. Grâce à Hobbes, il connaîtra d’ailleurs quelques sérieux soucis capillaires lors de cet onzième volet. À l’instar des tomes précédents, celui-ci reprend des histoires de différentes longueurs, allant de trois cases à quelques pages. Chacune offre un plongeon mélancolique dans le monde de l’enfance et invite à découvrir les fantasmes, les rêves et le regard critique de ce petit bonhomme sur le monde des adultes et sur la société en général.
« Calvin : J’ai rangé ma chambre maman… Et sans que tu aies à me le dire;
Maman : Oh ! Ça c’est très gentil.
Calvin : Bien sûr. Que cela ne devienne pas une habitude ! »
Ma préférence va comme d’habitude à ces récits où il peut laisser libre cours à son imagination débordante, notamment lors de ses transformations en Spiff le Spationaute, dont les chutes sont souvent hilarantes. Notre petit chenapan s’imagine notamment en dinosaure ou Balle Traçante, le détective privé, au moment de passer à table, en aigle afin d’attaquer son père au réveil, en tyrannosaure lors d’une visite au musée d’histoire naturelle et même en zombie pour éviter de faire ses devoirs. Son imagination ne s’arrête évidemment pas là, car notre ami invente également un Transmogrifeur, capable de le transformer en tigre… comme son copain.
Si la puissance comique de ces strips atteint des sommets, l’humour est également souvent d’une telle sophistication que plusieurs niveaux de lecture sont possibles. Au-delà de la simplicité apparente de ces gags burlesques se cache en effet un autre niveau de lecture, plus adulte, qui mêle critiques acerbes, réflexions intelligentes et cynisme ravageur. Les noms des personnages faisant respectivement référence à Jean Calvin et à Thomas Hobbes, le lecteur ne s’étonnera d’ailleurs pas de croiser quelques considérations philosophiques. L’auteur profite notamment de la découverte d’un raton laveur souffrant pour lancer une réflexion pleine de tendresse sur la mort. Le thème de l’écologie et de l’avenir de notre planète sera également abordé lorsque des entrepreneurs rasent des arbres pour y construire des lotissements.
« Je pleure parce qu’il est parti dans la vie, mais pas dans mon cœur. »
Parlons finalement de l’empathie inévitable envers ce duo éminemment sympathique. Ce gamin doté d’un sens de la répartie incroyable est particulièrement attachant et l’idée de donner vie à une peluche dans son imaginaire est tout bonnement brillante. Cela résulte non seulement en une complicité incroyable entre les deux, comme lorsqu’ils se jettent dans les bras l’un de l’autre après la mort du raton laveur, mais permet surtout de donner vie à l’imaginaire de l’enfant. Ensemble, ils vivent des aventures mêlant absurde, tendresse, drôlerie, nostalgie et justesse.
« Calvin – Maman dit que mourir, c’st aussi naturel que naître, c’est le cycle de la vie. Elle dit qu’on ne comprend pas vraiment mais que c’est comme beaucoup de choses et qu’on a qu’à faire de notre mieux avec ce qu’on sait. Je crois que c’est logique… Mais t’avise pas de partir !
Hobbes – T’inquiètes pas ! »
Visuellement, le dessin de Bill Watterson est d’une grande simplicité, mais ces visuels aux décors quasi inexistants permettent de mettre l’accent sur les personnages et sur des textes d’une finesse rare. Il faut un talent énorme pour parvenir à partager des tranches de vie en seulement trois cases et pour pondre des gags purement visuels sur base de postures ou d’expressions.
Incontournable !