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Le nouveau roman de Charline Effah, lu par Vincente Duchel-Clergeau

Par Gangoueus @lareus
N'être
Charline Effah
Editions La Cheminante, juin 2015
Être ou ne pas naître
Le nouveau roman de Charline Effah, lu par Vincente Duchel-Clergeau
Auteur d'un premier roman, Percées et Chimères (Jet d’encre, 2011) qui explorait la thématique du de l’immigration et des espoirs déçus, Charline Effah aborde dans ce roman la thématique de l’amour, de l'abandon et, des silences. 
Jeune femme de 29 ans, Lucinda Bizdo convoque sa mère, Mezda, pour évoquer sa vie et tenter de découvrir qui elle est. Enfant non désirée, sa mère la confie, dès sa naissance, à Effiri, sa sœur, puis vient la chercher quelques années plus tard. Bâtarde et trop noire dans cette famille de métis, elle subit sarcasmes et rejet. 
Lucinda apprend ainsi à « vivre au coin de sa vie » dans une grande solitude et dans le silence. « Chez les miens, l'amour est silence. Il est dans le reproche et l'attente ». Elle quitte l'Afrique pour aller faire sa vie en France. 
Le roman divisé en trois parties donne à voir le point de vue de Lucinda et décrit sa quête d’amour. Lucinda cherche des réponses sur sa mère et sur elle-même : comment vivre et connaître l'amour à partir de l’absence de la mère, celle qui vous montre le chemin, vous protège, vous conduit. Comment se reconnaître quand votre mère ne vous a pas reconnu ? La mère abandonnée, délaissée par le Père, abandonne à son tour son enfant, pour l'amour de ce Père.
C’est une enfant blessée qui raconte. Lucinda connaît des déboires amoureux. Elle préfère Amos, l'homme non libre, à son ami, Elvis, qui est amoureux d’elle. Lucinda prend sa mère à témoin de sa vie amoureuse, de son rapport aux hommes. Le ton est accusateur. Elle cherche à oublier la solitude et le silence imposé par la mère et l’attente vaine. 
Cependant, la figure de la mère domine la vie de Lucinda, malgré son absence. La solitude extrême vécue pendant l’enfance a influencé sa vie amoureuse : 
«  Qu’est-ce que l’amour si ce n’est l’errance des cœurs qui se cherchent ? » 

 Le roman est une magnifique réflexion sur les souvenirs et les effets du passé sur le présent :
«  Même silencieux, les souvenirs t’ont toujours rattrapée parce qu’ils sont toi et en toi.... Ils t’invitent à ce devoir de mémoire sans lequel ta vie, ma vie, nos vies ne pourraient suivre leurs cours comme un long fleuve tranquille ». 


Lucinda décide cependant de pardonner et d’aimer «  sans être prisonnière du passé, sans honte et sans peur ».  Charline Effah sait trouver le mot juste, les répétitions de phrases confèrent une certaine poésie à ce court roman. Les phrases courtes et incisives traduisent avec subtilité et finesse les errements et les tourments des différents personnages. A travers l'histoire de Mezda, l'auteur relate la condition de la femme, mais aussi une histoire d'abandon, de questionnement sur l’Être et l'amour : 
« L’amour est toujours motivé par le manque qu‘on comble par l’autre le manque que l’on souhaite qu’il comble afin de nous sentir entièrement nous-mêmes, entièrement dépendants aussi. L’amour est un retour à soi » .
Vincente Duchel-Clergeau

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