Avant d'entrer dans le vif du sujet, il convient de préciser les conditions de l'étude, car elles peuvent éclairer certains constats. Tout d'abord, la population interrogée – soit un total de 127 personnes – est principalement composée de dirigeants et responsables intermédiaires, répartis dans tous les métiers, avec toutefois une prédominance de l'informatique (31%). D'autre part, les établissements représentés couvrent tout le spectre du secteur : banque de détail, banque privée, banque d'investissement…
Passons maintenant à l'analyse des résultats… et aux premières surprises. Ainsi, la majorité des répondants (61%) déclarent qu'une stratégie globale – au niveau groupe, dans les plus grandes organisations – est mise en place. En outre, la nomination d'un sponsor unique, confirmée par 57% des personnes consultées, est logiquement en ligne avec cette vision. En revanche, quand plus de deux sur trois affirment que les décisions sur les thématiques « digitales » sont prises à plusieurs, on peut s'inquiéter.
Dans un autre registre, le fait que le sponsor de la transformation numérique soit le DSI dans 31% des cas paraît être en décalage avec la perception du rôle de cet acteur dans l'entreprise. En effet, si les répondants eux-mêmes lui attribuent une position de « conseil » à une infime minorité (16% aujourd'hui, 21% dans 3 ans), je suis convaincu qu'il s'agit tout de même plus d'un vœu que d'une réalité, tant l'image du département informatique est désormais celle d'une usine qui opère et maintient les systèmes.
Autre incohérence notable, la plupart des sondés considèrent que la transformation va affecter l'entreprise tous azimuts, en commençant par son organisation (suivie par l'innovation, le marketing… et l'informatique). Comment le DSI pourrait-il être légitime dans ces conditions ? La vérité est que la révolution « digitale » est loin d'être correctement appréhendée par les banques, dans lesquelles elle est manifestement prise pour une évolution technologique, qui serait à déployer à grande échelle.
En guise de confirmation de cette impression, les avis exprimés à propos des impacts sur le secteur constituent une source additionnelle d'étonnement (et de pessimisme). À peine plus d'1 responsable sur 8 adopte le qualificatif de « disruptif », les autres s'accordant à estimer que l'effet sera tout au plus « assez important ». L'ignorance des changements en cours – qui transparaît, par exemple, dans la quasi-absence de dispositifs de veille sur les nouveaux entrants – est probablement une cause de cet aveuglement.
Il faudrait encore parler, plus concrètement, des retards accumulés dans la mise en place des bases indispensables à une stratégie numérique, notamment du côté des back-offices. Il serait aussi utile de s'attarder sur l'incroyable proportion de répondants déclarant qu'aucun projet majeur de refonte du front-office n'est envisagé (23% sur l'échantillon global et 38% dans la banque privée !). Comment ces institutions peuvent-elles donc imaginer survivre dans le monde numérique qui les submerge ?
En conclusion, le portrait dressé par l'étude de PAC-CSC révèle une situation que je juge quasiment catastrophique. Que la transition soit longue et difficile est incontestable et peut justifier que les banques ne soient pas déjà entièrement « digitales ». Mais que leurs responsables n'aient pas pris pleinement conscience à la fois de l'ampleur de la révolution qui s'annonce, de la menace qu'elle représente pour leur existence et de l'urgence qu'il y a à préparer l'avenir, voilà qui est extrêmement grave…
Retrouvez les résultats complets de l'enquête PAC-CSC ICI.