Marguerite et Julien // De Valérie Donzelli. Avec Anaïs Demoustier et Jérémie Elkaïm.
Si le cinéma littéraire et artistique n’est pas une mauvaise chose, Marguerite et Julien échoue là où Eric Rohmer et Christophe Honoré se sont déjà illustrés. Le premier avec Les amours d’Astre et de Céladon, le second avec Métamorphoses. Alors certes, Marguerite et Julien est différent mais pas totalement non plus. Ce conte esquisse quelques idées et n’en fait que très peu de choses alors que la réflexion sur la relation amoureuse entre un frère et une soeur était pourtant intéressante. Je pense que le problème c’est que Valérie Donzelli n’a probablement pas mesuré l’ampleur de ce que son film pouvait réclamer. On se retrouve ainsi avec un film inspiré qui tente mais qui échoue à la porte d’entrée, simplement car sa réflexion est bien pauvre par rapport à ce qu’il cherchait à avancer au départ. Marguerite et Julien c’est probablement la catharsis de la réalisatrice et de sa relation avec Jérémie Elkaïm. Elle a passé plusieurs années avec lui, co-écrit un film inspiré de leur vie (La guerre est déclarée) et maintenant, pour se flageller un peu plus elle dirige son ex avec la nouvelle compagne de ce dernier (Anaïs Demoustier) qui attend en plus de ça un enfant de lui. Ouf ! C’est assez compliqué tout ça et pourtant, je me demande si au fond ce n’est pas un film exutoire qui permet à la réalisatrice d’expier tout ce qu’elle a sur le coeur au travers de cette ration maudite.
Julien et Marguerite de Ravalet, fils et fille du seigneur de Tourlaville, s’aiment d’un amour tendre depuis leur enfance. Mais en grandissant, leur tendresse se mue en passion dévorante. Leur aventure scandalise la société qui les pourchasse. Incapables de résister à leurs sentiments, ils doivent fuir…
Cela ne veut pas dire qu’elle souhaite tout son malheur au couple d’acteur, mais en tout cas je trouve intéressant la façon dont justement Marguerite et Julien aborde son sujet. Ce que je trouve cependant raté là dedans c’est le fait que la réflexion ne soit pas plus poussée et que par moment on ait l’impression de voir un film contemplatif plus que réflexif. Présenté en compétition officielle lors du Festival de Cannes 2015, Marguerite et Julien avait déjà été accueilli de façon très froide par la critique. A raison (plus ou moins) car même si Valérie Donzelli met du coeur à l’ouvrage, ce n’est pas à la hauteur de ses deux précédentes oeuvres (Main dans la main et surtout La guerre est déclarée qui reste un film bouleversant). Ce qui est d’autant plus intéressant avec Marguerite et Julien c’est le fait que cette histoire soit aussi violente. En effet, comment être aussi violent avec deux êtres qui ne cherchent qu’à s’aimer. Alors certes, l’inceste (si l’on peut parler de ça comme ça dans ce film) est quelque chose d’étrange, de très difficile à exprimer dans un film mais Marguerite et Julien s’inspire surtout d’une histoire vraie, datant du SVIe siècle en Normandie. Le tout est transposé de façon presque intemporelle (un peu comme les films que j’ai cité plus haut de Rohmer et Honoré, qui avaient aussi ce côté intemporel).
Marguerite et Julien est donc une sorte de tragédie, un peu comme Andromaque ou encore Roméo et Juliette où l’amour est impossible et ne peut supplanter le reste. Valérie Donzelli cherche donc à faire un film intelligent tout en restant aussi accrochée à ses références qui sont peut-être un poil trop pesantes. En prenant un sujet aussi choc que celui dont le film parle, Marguerite et Julien se devait de choquer. Il n’y a cependant rien de choquant dans tout ça et je dirais même que le film est beaucoup trop lisse. Accessoirement, on peut saluer la prestation d’Anaïs Demoustier et de Jérémie Elkaïm qui partagent une vraie alchimie à l’écran qui donne un ton au film et qui permet de ne pas voir Marguerite et Julien comme une oeuvre totalement ratée. J’ai toujours adoré Anaïs Demoustier, même dans certains films beaucoup plus douteux mais je trouve justement dommage que le film ne force pas un peu plus sur les capacités de l’actrice. La guerre est déclarée (pour prendre un exemple) était fort car il poussait chacun dans ses retranchements, certes aidé par le fait que les deux acteurs mettaient en scène une partie de leur existence mais c’était tout de même brillant. Peut-être bien que ce qu’il y a de plus intéressant dans ce film (le procès, les parents qui décident de renier leur fille, le mari qui devient fou, etc.) ne sont pas suffisamment décortiquées alors que Marguerite et Julien préfère se concentrer sur de longues contemplations entre Marguerite et Julien…
Note : 5/10. En bref, un sujet choc qui n’a que de choc le sujet. Un film intéressant mais qui en creuse pas suffisamment ses ides. Reste alors la prestation sans faille d’un casting au poil et la volonté de faire de Valérie Donzelli de faire une oeuvre originale et nuancée.