A plusieurs égards, je me devais de lire ce livre : je connais personnellement l’auteur, j’ai vécu de longues années à Al Hoceima dont je garde de formidables souvenirs humains, j’ai essayé de m’imprégner avec un certain succès de l’ambiance particulière de cette région et j’ai tenté d’en pénétrer sans y parvenir les secrets.
SUR LA VOIE DES INSOUMIS, du docteur M’hamed LACHKAR, paru il y a quelques semaines chez JL Editions devait tomber à point nommé donc dans ma quête jamais interrompue et dans mon intérêt jamais démenti pour le Rif, où je puise en partie mes propres racines.
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M’Hmaed LACHKAR, chirurgien et militant associatif n’est ni historien, ni sociologue, ni homme politique, juste un marocain qui à moment de sa vie a décidé de se raconter. Il avait commencé avec COURBIS dont j’avais rendu compte ici-même.
Dans ce “roman” – qui n’en est pas un en fait, ce serait un début d’autobiographie inachevée – M’Hamed (je crois que je peux le désigner par son prénom ) aborde que qu’il est convenu dans l’histoire moderne du Maroc d’appeler “les événements du Rif”.
Il nous raconte à travers ses souvenirs d’enfant – il a avait à l’époque 8 à 9 ans – le tragique déroulement de ce qui avait fini par marquer pratiquement tout le règne de Hassan II. On retrouve les stigmates de ces événements tout au long de la vie du défunt monarque.
Les souvenirs d’enfant, même s’ils sont étayés de témoignages recueillis des décennies plus tard, ne retraceront jamais la véritable histoire et c’est ce qui fait à la fois la force et la faiblesse de cet ouvrage.
Il fallait qu’il soit écrit : M’hamed l’a fait, à sa manière, brute et abrupte! Bien sûr tout n’est pas dit, tout n’est pas expliqué : mais un gosse d’une dizaine d’années qui voit le monde s’écrouler autour de lui pouvait détenir les clés de cette catastrophe? Surement pas !
Mais l’adulte qui revisite sa propre enfance aurait pu gratter un peu plus et commencer à nous donner un début d’explication à cette tragédie
Pourquoi les riffains se sont-ils révoltés en 1958 et pourquoi ont-ils pris les armes? Contre qui exactement, Contre quoi? Qui les a poussés? Qui leur a fait miroiter le mirage d’une chimérique indépendance que même leur héros mythique Abdelkrim Khattabi avait fini par enterrer?
Bien sûr, l’enfant M’hamed n’avait les réponses, mais le docteur Lachkar se devait de les rechercher et de les révéler, du moins partiellement.
Il faut espérer que la publication de ce livre ouvrira la voie à d’autres publications, plus académiques, plus scientifiques, plus rigoureuses, qui éclaireront les générations à venir sur cette période de notre histoire moderne.
L’ambiance générale du pays s’y prête de façon parfaite: la réconciliation est totale entre le trône et ces régions hier encore stigmatisées, oubliées et marginalisées.
Peut-être même que le docteur M’Hamed LACHKAR, une fois débarrassé de démons personnels qui hantaient ses souvenirs d’enfant, participera-t-il à la découverte de la vérité historique.
A l’occasion de la sortie de son premier livre, j’avais écrit “un écrivain est né” ! J’ai envie cette fois d’espérer que “un historien est en train de naître”.
Rendez-vous à ton prochain ouvrage, khouya M’Hamed!
P.S. : deux petites remarques de forme quand même :
> une attention plus rigoureuse aurait due être portée par les correcteurs.
> une carte de la région, même sommaire, aurait grandement facilité la vision des choses.