Tambouille so british …

Publié le 10 juin 2008 par Zappeuse

J’ai encore en mémoire la jelly trop verte tremblotante comme les fesses de tata Hortense à la veille de ses 103 ans, la viande tellement cuite que l’animal d’origine n’était plus clairement identifiable, la mousse au chocolat de couleur rose clair et les saucisses trop grasses au petit-déjeuner, accompagnées de leurs incontournables beans passablement sucrés. J’ai aussi le souvenir de merveilleuses tartes à la rhubarbe servies tièdes avec un peu de crème fraîche, des petits sandwiches triangulaires avalés avachie devant une émission de télé, et le tea without milk please, ce qui choquait souvent mes hôtes, mais comme j’avais 14 ans, on me pardonnait (pour les pas du tout anglophones, “without milk” veut dire “sans lait”, ce qui est inimaginable quand on parle de thé, voire franchement hérétique).

Mais je vous parle là d’un temps que les moins de 20 ans (et même ceux de 25) ne peuvent pas connaître. Car la table anglaise s’est semble-t-il embellie, sous l’impulsion de vrais chefs pour qui le goût à un sens. A vérifier.

Mais alors d’où vient cette propension qu’auraient nos amis d’outre-Manche pour cet improbable mélange entre l’insipide et le sucré ? De la reine Victoria, qui a mis le puritanisme à l’ordre du jour. Le plaisir, quelque soit sa source, doit ainsi être proscrit par tout bon protestant qui se respecte, et le plaisir de manger plus que tous les autres. Si tu manges peu et mal, c’est que tu es un vrai bon croyant. Le paradis est dans le radis sans sel ni beurre. Les mets se doivent d’être trop cuits, car la cuisson à terme tue le goût, sans herbe aromatique, et ce sans varier d’un pouce ou presque jour après jour.  A cela s’ajoute le goût très net pour le sucré, qui vient plutôt des colonies anglaises, mélangeant des influences indiennes à d’autres produits manifestement tirés au sort : d’où la Worcestershire sauce, dans laquelle se sont glissés des anchois, du vinaigre de malt, de la mélasse et d’autres suprises encore. Aussi incontournable qu’incomparable !

Source : L’Histoire, juin 2008