N'attendez pas de scoop dans cet article, il s'agira "juste" d'une présentation des trois chasen que je propose désormais sur Thés du Japon et d'informations de base sur les chasen et Takayama. Tous les trois proviennent (évidemment) de Takayama (ville de Ikoma dans le département de Nara), fabriqués par les jeunes artisans, une trentaine d'années, Ms. Kubô et sa femme, de Kubô-komakichi shôten. A Ikoma, Kubô est un nom très répandu, et nombre de fabricants de chasen portent ce nom. Takayama est le gros centre historique du chasen depuis l'époque même de Sen-no-Rikyû. La quasi totalité des chasen made in Japan proviennent de Takayama.
Je parle de chasen "made in Japan" car beaucoup de chasen vendus au Japon et ailleurs sont fabriqués en Chine. Ceux-ci sont moins chers, pas forcement de mauvaise qualité, mais il semblerait que beaucoup de bambous soient traités aux pesticides. Néanmoins depuis quelques années, le prix des chasen chinois augmente, la différence de prix se réduit (il y a fort à parier que des chasen made in vietnam fassent leur apparition un jour ou l'autre), et beaucoup commencent donc revenir vers les chasen fabriqués au Japon. C'est une excellente chose, sauf qu'à Takayama, en particulier chez les petits ateliers, la production à beaucoup de mal à suivre la demande.
La fabrication du chasen lui-même est très minutieuse et compliquée, et la préparation du bambou demande aussi beaucoup de temps.
Le parc Takayama Chikurin-en abrite une sorte de musée présentant les artisanats du bambou de la région avec bien sûr une mise en avant toute particulière des chasen. Outre la présentation des différentes étapes de la fabrication, y sont exposés une multitude de chasen aux formes différentes. Il en existe une soixantaine, dont l'utilisation dépend des différentes écoles de cérémonie du thé. Quatre types de bambou, shirotake 白竹 ou awatake 淡竹 (blanc, le plus largement utilisé), kuro-take 黒竹 (noir, essentiellement utilisé par l'école Musakoji-senke), susutake 煤竹 (brun, utilisé par l'école omotesenke, il est très rare aujourd'hui), et enfin aotake 青竹 (vert, utilisé pour les cérémonies du nouvel an).
Les fils qui tiennent les branches écartées sur le bas du chasen sont généralement noirs, mais selon les occasions, on en utilise avec des fils blancs ou rouge, parfois même pour des évènements particuliers, voir même simple personnalisation, on peut en commander avec une combinaison de trois fils de couleurs différentes, par exemple bleu-blanc-rouge (genre cérémonie du thé tenue à l'ambassade de France, pourquoi pas).
En fonction de l'épaisseur du bambou on obtient un nombre différent de branches, environ 60 (数穂 kazuho), 80 (八十本立 hachijuppon-tate), 100 (百本立 hyappon-tate), 120 (百二十本立 hyakunijuppon-tate).
Je présente désormais un classique 100 blanc, un "shin" 真 et un "kankyû-an" 官休庵 en kuro-take, l'un et l'autre "kazuho".
Plus arrondi que les chasen classiques, le "shin" ne présente à l'utilisation pas de différence majeure.
En revanche, le "kankyû-an", à une forme bien particulière, proche de celle dite "rikyû-gonomi" appréciée par Sen no Rikyû. Son utilisation m'a semblé plus difficile. En fait, ce type de chasen ne me semble pas vraiment adapté à des bols classique, mais fonctionne en revanche très bien avec des bols à fond plat de type Raku. Vu l'affection de Rikyû pour cette forme de bol, cela peut se comprendre (pure supposition de ma part). Il me semble donner une mousse très épaisse, mais avec de grosses bulles.
J'en profite pour signaler enfin que les matcha de Uji-Shirakawa vendus maintenant proviennent de lots de tencha moulus plus récemment, ayant une meilleure maturation (les premiers lots mis en vente en septembre furent moulus fin aout, ce qui était peut être encore un peut trop tôt), plus forts, plus ronds et riches.