Accoucher d'un ado...

Publié le 02 décembre 2015 par Lesimparfaites
Il y a d'abord la naissance de votre bébé. Le si joli poupon, vous vous souvenez? Ahhh! Je sais, dans la multitude de souvenirs, il y a ceux de l'accouchement. Issshhh! Mettre au monde un bébé... outch! Bien sûr, vous vous souvenez de la douleur. C'est physique. C'est insoutenable. Mais ça passe.
Puis, une douzaine d'années plus tard, mais il y a aussi une autre naissance. Celle de votre ado. Tout le monde parle de la fameuse crise d'adolescence. Mais il y a aussi autre chose. Qui ressemble parfois à de la douleur intérieure, inconfortable et sournoise que ça provoque en nous. Personne ne nous en avait parlé de ça. Outch!
C'est une douleur étrange. Comme un pincement, un fort découragement (momentané, par chance!), un bref instant où tu crois que tu as perdu ton enfant au profit d'un grand tarla qui te répond par monosyllable, par grognement ou en ouvrant sa bouche au minimum (dites-moi que c'est une mode chez vous aussi la «non-prononciation» ou le relâchement des mâchoires!). Bref, ça fait mal.
Ma dernière expérience d'enfantement douleureux d'un ado (parce que oui, ces douleurs reviennent sporadiquement, pas comme au premier accouchement!): à la rencontre de profs à l'école secondaire. Et vous allez voir pourquoi je vous disais que la douleur est sournoise. Tu ne t'attends pas à ce que ça te tombe dessus. Je suis donc à la rencontre les profs de MissA (parce que là, ça suffit MissLuluPuDeLulus, elle devient MissA) et son père. On jase, on attend et on reçoit que des éloges de ses professeurs. «Rien à dire! Élève motivée! On en prendrait 15 des comme ça! Super organisée! Participe toujours! Pose des questions! Mature! Responsable!». Bref, la totale des compliments! Génial! (Là, c'est là que tu ne te doutes de rien!). Puis, parce que les files de parents s'allongent devant chaque prof, je lui demande d'aller me chercher un café. La Fondation de l'école en vend à prix modique à l'entrée. Je lui donne une poignée de change qui totalise un peu plus de 5$ en lui disant de se prendre une collation pour elle si elle le souhaite. 
Elle part... et revient avec un minuscule café dans un verre en styromousse à moitié rempli. Ok.
- «Tu gardes le change pour toi?» que je lui demande à la blague, car je lui aurais laissé pour ses collations le lendemain.
- «Beeeen, j'en ai pas!».
Première douleur.
- «Hein?»
- Beeeeen, c'était écrit «contribution volontaire»...»
Deuxième douleur. Et impression soudaine qu'on a interchangé mon ado. Qui a volé mon ado? Qui a interchangé quelque chose?
- «T'as donné 5$ pour un mini café?» (je me dis qu'elle s'est caché du chocolat, quelque chose!)
- «Bah oui! C'était écrit!»
Troisième douleur pendant qu'on explique que «contribution volontaire», c'est que tu donnes un montant que TU choisis en te basant sur le prix que tu paierais habituellement pour ce produit ou ce service avec un peu plus...
- ...
Quatrième douleur provoquée par le silence et aussi l'absence évidente et momentanée des neurones de l'ado. Confiante, je me dis «Elle réfléchit et assimile le tout».
- Si je t'avais donné 20$, l'aurais-tu mis dedans?  (Tsé je m'essaie de provoquer une réaction du genre «ah ben ouin, c'est vrai, ça n'aurait pas eu de sens de payer ça pour un café!» et en même temps, j'essaie de me réconforter en disant, elle aurait réfléchi davantage! Parce qu'on s'entend, c'est pas pour 5$ que je capotais - ça va à la Fondation - mais c'est le principe de non-réflexion qui me fait capoter!!)
ATTENTION: ça fait mal. Sa réponse à ma question:
- Bahhh ouais....
Misère.
C'est ça que je vous dis qui fait mal. Les instants où tu as envie de crier (je l'ai dit, je pense!) «Mais vires-tu complètement folle?», «As-tu réfléchi?» ou «Voyoooons donc!». Ça fait mal en dedans. Autant, dix minutes avant, on me ventait une ado responsable, mature et réfléchie. Autant, dix minutes après, tu es en face d'un tout autre modèle. Tu t'inquiètes pour ses neurones, tu te dis qu'il y a deux fils qui se touchent et qui ne devraient pas. Erreur. Erreur. Douleur. Douleur.
La douleur, je sais qu'elle va passer, mais en attendant «outch» pareil. Dites-moi que ça vous arrive aussi?