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d'après Maupassant (N°14)

Publié le 02 décembre 2015 par Dubruel

~~Inutile voyage

D'après DUCHOUX (14 novembre 1887)

Comme tous les jours à vingt-trois heures, le baron Gérald Oudinot rentrait à son hôtel particulier mais, ce soir-là, il sentait le poids des années peser lourdement sur ses épaules. Jadis, quand il était alerte et fort, il donnait ses jours au sport et ses nuits au jeu, à la fête. Aujourd'hui, les femmes l'embêtent, les exercices l'anéantissent et les diners l'alourdissent. Il songea soudain à un fils qui ne le connaissait pas. Cet enfant naturel était marchand de biens près de Nice. Le baron ne s'en était jamais vraiment soucié même s'il avait payé les frais de nourrice, les études au collège saint-Michel et quelques jours de fête. Il lui avait aussi fait discrètement remettre par son notaire une dot confortable. Au valet qui, comme chaque soir, l'attendait, il demanda : -" Alfred, je pars demain en voyage ; préparez-moi un léger bagage " Deux jours après, le baron se présentait chez son fils : -" Bonjour madame, je voudrais m'entretenir avec Monsieur Duchoux. " Le souillon de femme aux relents d'ail, qui avait ouvert la porte, cria : " Une visite, Duchoux ! " Pour se souvenir qu'il avait procrée, entre deux rangées de choux, le baron avait déclaré son fils sous le nom de Duchoux. Il se remémorait la jolie jeune femme, blonde et mince, qui lui répétait si tendrement : ''Mon chéri, on ne se séparera jamais, n'est-ce pas ?'' Tandis qu'elle aimait le baron, son mari, chef de service au Ministère des Colonies, avait été envoyé en Cochinchine pour une longue mission d'études. Elle n'eut donc aucune difficulté à lui dissimuler sa grossesse. Puis, après avoir mis son petit en nourrice à Mandelieu, elle prit le bateau pour rejoindre son mari à l'autre bout du monde. Duchoux s'était approché et questionna : -" Vous êtes monsieur..? " -" Baron Gérald Oudinot. Je souhaite acheter un mas dans la région pour passer mes vacances en famille. Qu'auriez-vous à me proposer ?... " -" J'en ai un joli à vendre non loin d'ici, si vous voulez le voir... " -" Allons-y. " Le mas proposé ne convenait pas au baron. Mais surtout il n'avait retrouvé en Duchoux ni le caractère ni les manières de sa noble lignée. Aussi, plus rien ne l'incitait à se faire davantage connaitre. Il décida de rentrer à Paris sans plus attendre. Le lendemain soir, un ami du Jockey-Club lui demanda : -" Où étais-tu passé ? On ne t'a vu de trois jours ! Tu étais souffrant ? " -" Non. La migraine. Peu de chose en vérité. "


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