L’avenir appartient aux nouvelles recrues et la synthèse du rap que Nusky & Vaati nous propose est un condensé de nouveautés, tant dans les textes que dans la musique. Le rappeur « fragile », loin des clichés du gangster aux apparats chic et brillants, qui parle avec le coeur et pousse la chansonnette, et le producteur méthodique et professionnel malgré son jeune âge risquent de s’inscrire de manière définitive comme un renouveau du rap français, n’en déplaisent aux détracteurs figés dans le passé.
C’est autour d’une bière et de quelques clopes que nous avons rencontré les deux jeunes franciliens aux visages d’adolescents, définitivement prêts à en découdre avec la musique et résolument mature quant à l’avenir.
US : Salut les gars, dans un premier temps présentez vous pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore.
Vaati : Je m’appelle Vaati, je fais de la musique, je compose, je fais parti du label Jihelcee Records et ça fait à peu près 3-4 ans que je fais ça.
Nusky: Moi c’est Nusky, je fais partie de La Race Canine depuis 3-4 ans également et j’ai rencontré Vaati il y a 2 ans et on fait notre projet ensemble depuis.
US : Vous ne mettez pas forcément en avant l’endroit d’où vous venez mais ça nous intéresse malgré tout alors d’où venez-vous ?
Vaati : Je vis dans le 78, dans les Yvelines, un petit village au milieu de la forêt.
Nusky : Je viens de Montrouge, 92, j’ai grandi là-bas.
US : La forêt dont tu parles c’est celle qu’on peut voir dans le clip de « Quest » extrait de ton projet solo Pukaboo ?
Vaati : Exactement ouais.
US : Vous venez de deux équipes différentes : Jihelcee pour Vaati et La Race Canine pour Nusky. Comment s’est fait le rapprochement entre vous ?
Nusky : C’est parti de moi il me semble : j’ai envoyé un message facebook à Vaati et à l’époque j’étais loin de penser qu’on ferait du son ensemble, mais voilà y’avait un de ses sons qui m’avait touché…
US : C’était quel son ? Tu te souviens ?
Nusky : Je me souviens ouais c’était un son…
Vaati : (il le coupe) « L.O.H »
Nusky : Ouais « L.O.H », c’était un son avec un sample de Aretha Franklin.
Vaati : Un son qui était sur Vaatisphère. Du coup on s’est retrouvé très vite en studio suite à ça, on a enregistré un freestyle et le courant est bien passé.
US :D’ailleurs vous enregistrez où ?
Vaati : J’ai un petit studio chez moi, donc Swuh on l’a enregistré chez moi par exemple. Et Lecce on était au AK Studio.
Nusky : Tout est enregistré, mixé et masterisé par Vaati d’ailleurs, je tiens à le préciser.
US : Après un 3 titres Lecce sorti en décembre 2014 votre projet commun Swuh sortait en juillet dernier : qu’est ce que signifie ce titre ?
Nusky : ça vient d’une connerie à la base, ça vient d’un personnage de Super Smash Bros Mêlé pour tout te dire… Le mec fait toujours ce bruit : « Swuh » ! On cherchait un gimmick et on a trouvé que ça collait bien
Vaati : Le but c’était de nommer le projet par le gimmick qui revient tout le temps dedans justement…
US : C’est un gimmick qui est spécifique au projet ou tu te sens de le reprendre dans d’autres sons Nusky ?
Nusky : Moi je trouvais ça cool d’avoir ce gimmick sur ce projet spécifiquement mais je me vois pas le dire autre part… J’ai un gimmick sinon : c’est « RK9 ».
US : Et Lecce du coup ?
Nusky : On cherchait un nom qui était doux comme du lait en fait… Un moment je le dis dans un son d’ailleurs.
Vaati : Le lait qui est à la fois doux et soyeux mais aussi poisseux comme toutes les choses de la vie…(rires)
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«…On avait une vision sublime du moment où on serait en studio et qu’on pourrait créer. On en parlait comme un groupe de gamins qui se dit : « cet été on va à Disneyland…»
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US : A 3 mois de la sortie de « Swuh » quels sont les retours sur ce projet 9 titres ?
Vaati : On a eu plutôt de bons retours, des gens qui ont kiffé la démarche artistique. Et aussi plus de retour du milieu professionnel, ce qui est un plus par rapport aux projets précédents.
US : Vous avez eu l’occasion de le défendre sur scène ce projet, ou c’était la première fois le 4 novembre dernier à L’international pour le festival Hip Hop Is Red ?
Vaati : C’étais la première fois ouais.
Nusky : Ouais et même pour moi c’était la première scène en solo, sans La Race Canine.
US : Moins de paroles pour Nusky mais des textes plus personnels, plus sentimentaux, on a l’impression que tu parles à quelqu’un tout le long de l’EP. C’était quoi l’idée de départ de ce projet ?
Nusky : Quand on commence le projet, il faut savoir qu’on en a parlé 3-4 mois avant… On voyait ça comme un truc super…
Vaati : (il le coupe) En fait on avait une vision sublime du moment où on serait en studio et qu’on pourrait créer. On en parlait comme un groupe de gamin qui se dit : « cet été on va à Disneyland ».
Nusky : Moi je voulais faire beaucoup de sons, de chansons, de ne pas forcément faire du rap. C’est une des premières fois où j’ai senti que j’avais les armes pour faire un vrai projet, où j’avais la possibilité de faire vraiment ce que je veux, de m’amuser un peu plus avec la musique. C’est comme ça qu’on est parti…
US : A quoi vous vous attendiez d’ailleurs chacun de votre côté?
Vaati : Je m’attendais à travailler des sons hyper recherchés avec un rappeur, dans la structure comme dans la composition, que ce soit dans la mélodie, les harmonies tout ça… Jouer des batteries en rythme avec le rappeur etc… Bref j’avais ce fantasme et ça a plutôt bien marché ouais !
Nusky : J’avais un peu peur parce que je n’ai pas l’habitude de ne pas écrire chez moi, je suis allé chez lui dans le 78. Vaati était très chaud dans la productivité en plus, il était plus rapide que moi.
Après c’est vrai que j’ai écrit un ou deux sons là bas et j’ai décidé de rentrer sur Paris une semaine avec mes potes parce qu’il faut savoir que j’écris la plupart du temps avec eux, mes gars de la Race Canine.
J’avais besoin de ça en fait, je leur fait écouter des sons, ça les inspirent et on travaille comme ça.
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«…Si la pop ça veut dire toucher tout le monde, moi je suis d’accord, c’est ce qu’on a voulu faire. Quand je fais de la musique, j’espère que ça va marcher et que ça touchera n’importe qui, c’est normal…»
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US : On sent également que vous avez laissé une vraie place aux productions de Vaati, il y a vraiment un vrai espace pour la musique et c’est assez agréable à écouter. Vaati comment est ce que tu as procédé pour mettre en musique les textes de Nusky ?
Vaati : Je suis assez lent à produire, ça part souvent d’une maquette qui peut rester une simple suite d’accord et un clap pendant 2 semaines et après je vais avancer plus. C’est vraiment un travail sur la durée, je complexifie la chose au fur et à mesure, j’arrange, j’écoute les différentes versions… Là c’était assez différent parce que j’avais Nusky derrière moi au studio, il fallait aller plus vite, produire dans l’instantanée.
Nusky : On faisait quand même les structures des sons en live…
Vaati : Voilà. C’est à dire que je trouvais une mélodie, ça lui plaisait, on calait les batteries…
Nusky : J’avais le refrain puis après seulement on écrivait les couplets, on rajoutait un pont…
Vaati : Il est parti écrire ensuite et j’ai eu l’occasion de complexifier les instrus, de travailler le mixage sur les pistes qu’on avait enregistré…
Par le mix, de créer une musicalité en plus, de casser la pauvreté linéaire du beat quoi…
US : Il y a un côté très pop dans ce projet et on le sentait déjà dans « Lecce ». Est ce que c’est un vrai parti pris, l’envie de toucher le maximum de gens ?
Vaati : Pour moi la pop c’est un peu la beauté assumée.
Nusky : Il y a une dose dans la pop je pense. On est pas obligé de faire un truc super naïf, on est pas obliger de parler que d’amour…
Vaati : Justement pour moi la pop c’est le fait d’assumer tout ça aussi, d’avoir une grosse mélodie qui frappe la gueule et de la laisser vivre le temps du morceau.
Nusky : Et puis si la pop ça veut dire toucher tout le monde, moi je suis d’accord, c’est ce qu’on a voulu faire. Quand je fais de la musique, j’espère que ça va marcher et que ça touchera n’importe qui, c’est normal.
Vaati : Et on ne sait pas faire la musique un peu « spé », réservée à une certaine élite d’auditeur… Faire des trucs un peu étranges je ne sais pas faire, j’aime bien les trucs qui glissent, qui sont abordables…
US : D’ailleurs tu as une formation musicale Vaati ?
Vaati: J’ai commencé la guitare à l’âge de 6 ans, j’étais pas trop impliqué jusqu’à mes 10 ans mais à partir de là j’étais vraiment mordu de ça, j’écoutais et jouais que du blues, du rock… J’ai découvert le rap en 3ème. J’ai eu un ordi avec logic pro dessus puis je m’y suis mis.
Par le rap j’ai collaboré avec des gens puis je me suis construit en solo comme ça. La base ça reste la guitare pour moi.
US : Justement cette passion commune pour le rock, le blues vous pouvez nous en parler ? Vous en avez écouté pendant la création de Swuh ?
Vaati : Pas énormément finalement. J’avais dit qu’on ne devrait écouter que du Bob Dylan d’ailleurs (rires)
Nusky : J’écoutais Nina Simone moi.
Vaati : On a écouté Chris Brown aussi je crois, un petit peu.
Nusky : Ouais Chris Brown, l’album de la MZ qui venait de sortir…
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«…J’aime bien l’art pour l’art personnellement, la recherche de la Beauté tout simplement…»
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US : Le rap c’est quoi pour vous aujourd’hui ? Comment est ce que vous situez dans cette masse musicale ?
Nusky : A fond dedans ! J’adore le fait que ça chante, que les rappeurs se mettent à chanter, qu’ils travaillent plus leur refrain, ça tue ! Après j’avoue que je n’ai pas été fan de hip-hop à l’époque où y’avait 50 cent et tout, où y’avait une énorme scène hip-hop en France etc…
Et quand j’écoute maintenant, pour moi ça manque de musicalité… C’est dur pour moi d’écouter un truc où y’a juste une batterie, pas vraiment de refrain…
US : Et l’autotune ça permet au rappeur de chanter justement ?
Nusky : Ouais je suis assez d’accord avec ça, après il faut avoir envie aussi, tout le monde n’a pas envie de chanter.
US : Cette ouverture du rap actuel vous la voyez comment vous ?
Nusky : Moi j’ai toujours aimé consommer la musique et rigoler un peu. Après des fois t’as envie de pleurer tu te met dans un mode, t’écoutes des sons tristes etc… Mais le rap c’est super pour ça justement, c’est très actuel, je suis tellement dedans et jeune que j’ai du mal à en parler avec du recule je t’avoue…
Vaati : J’aime bien l’art pour l’art personnellement, la recherche de la beauté tout simplement.
Nusky : J’ai l’impression que c’est comme dans les années 60 avec le rock, y’a des milliers de groupes, tu ne sais plus vraiment où donner de la tête, y’a pleins de trucs qui sortent, c’est une nouvelle mode comme le rock à l’époque justement.
Vaati : Aujourd’hui c’est le rap qui fait des sons qui choquent, à l’époque c’était le rock.
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«…Je suis un grand fan de Laurent Voulzy, je le préfère en solo, sans Souchon…»
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US : Quels sont vos projets en préparation ?
Nusky : Bah écoute moi je vais sortir une mixtape là en solo. Rob-D de mon équipe aussi. La Race Canine également… Je ne peux pas trop t’en dire plus en fait (rires).
Vaati : Moi je suis sur un projet solo là aussi, je travaille dessus depuis le mois de juin et ça sortira cet hiver je pense. Il sortira chez Jihelcee Records, c’est vraiment de la musique pure, un délire plus intellectuel, plus complexe qu’avant. Il y a des morceaux que j’ai travaillé sur 3-4 mois, sur la longueur…
US : Nusky ton vrai nom c’est Raphaël Boshart et tu joue également dans une série sur TF1. Tu peux nous parler un peu de cette carrière d’acteur en parallèle ?
Nusky : Bah écoute ouais je suis acteur depuis que j’ai 12 ans à peu près, j’ai tourné dans quelques films, quelques séries, j’ai fait quelques apparitions. ça ne m’empêche pas de faire de la musique et d’être à fond dedans. Franchement c’est génial j’ai deux « taff » artistique tu vois.
US : Qu’est ce que vous écoutez en ce moment ?
Nusky : Moi je suis JUL à fond, j’ai validé. L’album de PNL… J’attends le prochain album de H-Magnum et Outre-Atlantique Ilove Makonnen
Vaati : J’ai bien aimé H-Magnum et Black M, j’écoutes pas mal Jarod aussi, le dernier PNL évidemment… Et sinon hors rap, je me suis refait la discographie de Michael Jackson qui m’a beaucoup inspirée et la BO du film « Le Grand Bleu » qui est lourde aussi. Et je suis un grand fan de Laurent Voulzy, je le préfère en solo, sans Souchon.
Propos recueillis par David Dupoirieux
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