Le travail de toute une vie exposé pour la première fois en France. Si les rétrospectives consacrées à Léonard de Vinci ne manquent pas de nos jours, rares sont celles qui ont mis en lumière son célèbre Codex Atlanticus, dont certains passages restent encore cryptés aujourd’hui. Cinq cent ans après son arrivée à la cour de François 1er, le génie reste un mystère : à la Pinacothèque de lui rendre hommage jusqu’au 31 janvier 2016 en déchiffrant le plus énigmatique des recueils de pensées. De quoi pousser un peu plus la fascination que suscite ce personnage…puisque seuls quelques milliers de feuillets ont pu être retrouvés sur un total de 13 000. La faute à leur histoire mouvementée.
D’abord léguées à son élève Francesco Melzi, les pages du codex se retrouvent ensuite dispersées aux quatre coins de l’Europe, pour finir dans les mains de Pompeo Leoni d’Arezzo, le sculpteur attitré du roi de Sardaigne, qui en édite deux importants volumes au format « atlantique » : auquel renvoit d’ailleurs le nom d’ « Atlanticus », loin de la formule ésotérique souvent accordée à De Vinci.
Quoi qu’il en soit, Léonard n’était pas un être ordinaire. Rien d’étonnant donc à ce qu’il ait défini à lui seul le génie à l’époque de la Renaissance : « il Genio », celui qui est touché par la grâce divine, à la différence du « Studio », le tâcheron, qui doit s’appliquer longuement pour arriver à un résultat acceptable. En ce sens, sa notoriété repose principalement sur un malentendu, la peinture n’ayant été qu’une de ses nombreuses activités. « Premier peintre, architecte et ingénieur du roi » François 1er, il pouvait surprendre les plus avertis dans l’art de la guerre. Catapultes, hélicoptères, sous-marins voire même automobiles : De Vinci a développé des idées très en avance sur son temps, comme en témoignent les milliers de feuillets qu’il a noirci tout au long de sa vie. Inventeur des méthodes pour transporter des blocs de pierre, ou encore d’un système de canaux pour la ville de Milan : l’équivalent des égouts modernes, somme toute, servant à lutter contre la propagation des épidémies.
« Une aussi considérable agglomération de gens parqués comme des chèvre en troupeau, l’une sur le dos de l’autre, qui emplissent tous les coins de leur puanteur et sèment la pestilence et la mort. »
Outre la chance de pouvoir observer des notes griffonnées par Léonard en personne (ce qui est déjà pas mal en soi !), l’exposition permet d’en apprendre un peu plus sur un génie universel dont la personnalité reste encore méconnue. D’autant plus que bon nombre de feuillets sont rédigés en écriture spéculaire, donnant l’impression que les phrases sont reflétées dans un miroir. À défaut d’avoir pu décoder l’énigme De Vinci, on sort de la Pinacothèque avec l’étrange impression d’avoir pu emporter avec soi un bout de son mystère.